Droits d'auteur et pratiques de fans
Présentation du texte et de l'auteur
Rebecca Tushnet est professeur de droit à l'université de droit de Georgetown (Georgetown University Law Center). Elle est spécialisée dans le droit des marques (branding) et s'intéresse depuis longtemp au statut de la fanfiction.
Elle est membre honoraire de l'OTW (son nom est cité sur cette page, dans la rubrique : Emeritus Board Members)
Dix ans après avoir publié Legal Fictions: Copyright, Fan Fiction, and a New Common Law (lire la traduction), l'auteure réactualise son ancien texte au vu de la jurisprudence qui s'est mise en place durant la décennie passée.
Ce qui suit n'est qu'une traduction amateure. Je vous conseille donc vivement de référer au texte d'origine si vous citer ou utilisez ce texte des travaux scolaires ou universitaires.
Les références en italique se retrouvent en bas de page
Introduction
Les fans des médias populaires qui écrivent des histoires sur leurs personnages préférés, les dessinent, font des montages en retouchant des clips musicaux savent désormais que ce n'est pas conforme à la réglementation du copyright. Beaucoup de fans admettent que ces créations sont techniquement illégales — constituent une violation du copyright — mais estiment qu'elles ne portent pas atteinte aux détenteurs des droits ni ne leur cause aucun tort, du moins tant que leurs pratiques créatives restent discrètes (cf Brook n.d.). D'autres pensent que les créations de fan se trouvent dans le champ d'application du Fair use et ne constituent ainsi aucune violation du droit, du moins tant que personne ne gagne quoique ce soit (cf Gran 1999). D'une manière ou d'une autre, les fans tendent à estimer que leur statut juridique s'aligne sur leur statut social : ils sont considérés comme des marginaux, tolérés davantage qu'admis comme faisant partie intégrante de l'univers des créateurs.
Peu de temps après après avoir découvert les fandoms en ligne, j'ai écrit un article sur le sujet, qui est maintenant souvent cité dans les discussions de fan, et éventuellement auprès avec les sceptiques qui trouvent la fanfiction immorale et illégale (Tushnet 1997). J'avais conclu que la plupart des fanfictions, en particulier celles qu'on trouvait sur Internet, devraient bénéficier du "fair use" dans le cadre de l'application des copyrights de la loi américaine.(1) Depuis, la fanfiction a attiré l'attention des avocats spécialisés en « culture libre » qui se préoccupent des tentatives des détenteurs de copyright de canaliser et contrôler la culture populaire. Certains détenteurs ont parallèlement adopté une position agressive envers la créativité des fans et ont envoyé suffisamment de mises en demeure menaçant de poursuivre les sites de fans pour que chillingeffects.org, une fondation qui lutte contre la censure du net, consacre une section entière à la fanfiction.
Le paysage juridique officiel est plus favorable aux fans qu'il ne l'était il y a de huit ans. En effet, les tribunaux sont davantage disposés à protéger les utilisations "transformatives" non autorisées contre les allégations de violation de copyright. Les usages transformatifs présentent de nouvelles analyses ou constituent une interprétation du travail original qui déplaisent souvent aux détenteurs du copyright. Tout comme une critique cite une oeuvre pour la commenter, la version inédite d'une histoire qui donne une vision positive du méchant ou qui ajoute un contenu sexuel explicite peut être un "usage juste" transformatif. Les affaires récentes soulignent que les détenteurs de droits ne peuvent pas supprimer les interprétations non désirées de leurs oeuvre en invoquant le copyright. Le litige le plus connu a impliqué le livre d'Alice Randall, The Wind Done Gone, qui reprend l'histoire de Margaret Mitchell Autant en emporte le vent du point de vue d'un nouveau personnage, la fille métis d'un esclave et d'un maître. Une Cour d'Appel fédérale a affirmé que le livre de Randall était susceptible d'être un "fair use", en grande partie par la manière dont le racisme du livre original est critiqué (SunTrust Bank v. Houghton Mifflin Co., 268 F.3d 1257 (11th Cir. 2001)).
La doctrine juridique ne fait pas tout, cependant. Quand les détenteurs du copyright invoquent agressivement la violation de leurs droits et menacent les fans dommages et intérêt importants, ces derniers sont d'avantage enclins à laisser tomber ou dissimuler leurs activités plutôt que de leur tenir tête. Le cas The Wind Done Gone concernait un éditeur dont les intérêts commerciaux ont justifié les frais d'une défense complète. Aucun cas semblable concernant la communauté des fans n'a été porté en justice.
En l'absence de jurisprudence, d'autres pratiques concernant les fans peuvent servir d'exemple pour la loi des copyright. En particulier, l'existence de droits moraux, une catégorie des droits d'auteur reconnus en Europe mais moins avancés aux États-Unis, qui nous donnent un éclairage sur les pratiques des fans . Les divers droits moraux permettent à un auteur (ou à ses héritiers) de contrôler ce qu'on fera de son oeuvre, de la retirer de la circulation ou de la protéger contre la mutilation ou la déformation par des adaptations ou des changements non désirés. La théorie des droits de moraux pose le principe d'une connexion profonde et unique entre l'auteur et son texte, au point qu'une insulte au texte constitue une attaque contre l'auteur. Les droits moraux semblent être par définition en conflit avec la propension des fans à prendre des libertés avec des textes source.
Cependant, tous les attributs du droit moral ne sont pas en contradiction avec les pratiques interprétatives des fan. Bien que la protection contre la déformation soit en conflit avec beaucoup d'activités créatives de fans, l'obligation de citer l'auteur est largement prise en compte dans les fandoms, ce qui fait que cet aspect du droit ne perturbe pas la pratique des fans. De même, la pratique montre que l'identification peut découler du contexte, bien que la loi tende à indiquer que seul l'attribution explicite peut donner aux auteurs la reconnaissance appropriée.
Une autre illustration des pratiques de fan en matière de modification et attribution est la théorisation du concept de transformation appliqué au fair use. Les Cours ont tendance à appliquer le fair use quand elles se trouvent en présence d'un travail de transtextualité -- quand ce qui est sous-entendu dans le texte est mis en lumière. Or une bonne caractérisation des personnages par les fans est un exemple de compréhension. Dans cette logique, c'est l'auteur original qui est partiellement responsable des interprétations postérieures. Ainsi, la reconnaissance du fair use transformatif est l'affirmation que l'auteur original n'a pas le contrôle total du texte original -- que le texte n'est pas seulement reçu de la manière prévue. Bien que ce soit communément admis en théorie littéraire, la loi n'a pas encore rendu explicite ce que les fans ont toujours su, que la signification ne peut pas être imposée par les auteurs ou des propriétaires mais que c'est le résultat d'une collaboration entre le texte, l'auteur et le public.
La création de fans et sa diffusion sur internet
Les moteurs de recherche ayant rendu aisé pour tout le monde de trouver des histoires et du fanart non autorisées sur des personnages protégés par des droits d'auteur, les créations de fan sont maintenant facilement repérables par les détenteurs du copyright et par les non-fans. Le site populaire Television Without Pity, par exemple, a beaucoup de visiteurs qui parlent de création de fans sur le forum su site et les producteurs de télévision le parcourent régulièrement (bien que les fanfiction ne s'y trouvent pas) (Sella 2002). Une personne appréciant une série peut donc facilement basculer dans le monde des histoires de fans. Cette accessibilité signifie que l'image qu'un lecteur a de Harry Potter peut être modifié par une rencontre inattendue avec une histoire sexuellement explicite ou violente le concernant. Or le contrôle qu'ils ont de l'image de leurs personnages est au centre des préoccupation des détenteurs de droit .
Internet et l'extension des connexions rapides ont augmenté l'accessibilité aux créations de fan de plusieurs manières. Tout d'abord, le nombre de fandoms concernés a explosé. Quand j'ai écrit au sujet de la fanfiction en 1997, il était possible à une personne diligente tente d'établir une liste complète des sites de fanfiction de A-Team to Zorro (KSNicholas n.d.). J'avais été stupéfié par le nombre de fandoms qu'on pouvait trouver en ligne : des centaines de sites étaient énumérés. Aujourd'hui, Google référence plus de 1,2 millions pour la recherche sur l'expression "fanfiction". Même si votre fandom est réduit, il y a le Rare Fandoms Challenge annuel pour mettre en contact des personnes qui veut lire une histoire avec d'autres prêtes à l'écrire (Le FAQ 2005 de Noël).
En second lieu, la qualité de ce qui est disponible est incroyablement variable. A l'origine, quand les fans distribuaient leurs histoires par l'intermédiaire des fanzines polycopiés ou photocopiés, les rédacteurs avaient l'habitude de filtrer le contenu. Maintenant, n'importe qui peut publier une histoire quelque minutes après l'avoir écrite, avant même de la passer au correcteur orthographique. Pour le dire crûment, aujourd'hui n'importe qui peut publier une histoire sur sa propre page, même si son contenu n'est pas assez populaire pour le justifier.
En troisième lieu, les participants ont des motivations très diverses, allant de la gamine de 12 ans qui veut partager ses histoires avec ses copines et les auteurs confirmés qui s'entraînent devant une audience garantie. Enfin, avec l'évolution des navigateurs, les types de productions de fan sont plus variés : si la fanfiction est le phénomène auquel les chercheurs ont prêté le plus d'attention, on trouve maintenant de nombreux dessins, retouches de photos et les vidéos musicales(2).
Cette visibilité est importante. Les fans qui trouvent la fanfiction, des fanart et des vidéos se sentent reconnus et peuvent estimer que leurs centres d'intérêts sont normaux. Que cette reconnaissance soit une bonne chose ou non dépend de ce que nous pensons de la valeur des créations de fans. En revanche, le fait que ces créations ne soient plus polycopiées et circulent au delà du cercle intime et gagnant audience peut faire craindre une trop grande puissance au bénéfice des fans si l'on n'y met pas fin. La visibilité invite à la surveillance, ainsi que le prouvent les mises en demeure reçues par les sites de fans, publiées sur la section consacrée de chillingeffects.org.
Cherchez l'auteur
Quand j'ai écrit la première fois sur la fanfiction, les disclamers étaient pratiquement systématiques : l'auteur déclarerait qu'il n'avait pas de droits sur les personnages et les situations, indiquait qui les avait (ou le créateur originel, qui est rarement le détenteur du copyright), et ajoutait parfois une demande pour que le détenteur du copyright ne le poursuive pas. Je n'ai pas mené d'enquête scientifique, mais j'ai la nette impression que les disclamer sont moins courants aujourd'hui. Quand ils sont là, ils ne semblent pas invoquer la mansuétude.
Je pense que cette absence de formalité du disclamer est la traduction d'un sentiment de plus grande normalité. Les fan-auteurs n'ont plus l'impression de faire quelque chose de mal et comptent sur le fait que les lecteurs comprennent le sens général de leur annonce, sans qu'ils aient besoin d'y mettre les formes. Après avoir publié 400 disclamers, on est moins regardant sur le 401ème. Un autre facteur probable est celui avec la variété croissante et de la visibilité accrue des créations de fan, qui font que les nouveaux fans ne sont pas toujours initiés par les plus expérimentées. Ils ne peuvent donc pas apprendre les règles non-écrites de la communauté quand ils commencent à publier leurs propres histoires et fanart, dont celle du disclamer explicite.
On peut rapprocher cette banalisation de la création et publication de travaux dérivés non autorisés de la "Napsterization" de la propriété intellectuelle. Est-ce la disparition du respect envers la propriété intellectuelle et des intérêts des auteurs ? Je pense que la réponse est généralement négative. Les fans qui créent les travaux dérivés sont généralement sensibles aux intérêts des détenteurs du copyright : ils citent le créateur de la version canonique de leurs personnages, preuve d'un "respect subversif" (Saxey 2002 208). Les fans reconnaissent la légitimité des intérêts économiques des détenteurs du copyright, mais maintiennent que leurs activités n'ont aucune action, positives ou négatives, sur la rentabilité des travaux autorisés, mais augment la fidélité à et l'intérêt pour les versions officielles (Tushnet : 669).
La théorie de Locke sur la valeur ajoutée par le travail joue un rôle dans la conceptions que les fan ont des droits d'auteur. Cette serait est inapplicable au cas du téléchargement de musique. D'ailleurs, peu de personne s'y adonnant ne s'en réclame en invoquant le travail de recherche et de choix des musiques qu'ils ont copiées. Au contraire, les auteurs de fanfictions et de fanarts recherchent la reconnaissance par leur pairs de l'enrichissement qu'il apportent aux textes officiels.
Une absence de disclamer pourrait faire croire à l'insouciance portée à l’attribution correcte. Mais cette interprétation ignorerait l'importance du contexte : si j’écris que la vie est "Un conte / racontée par un idiot, plein de bruit et de fureur / qui ne signifie rien", sans attribution, je ne m'attends pas à ce que vous pensiez que j'ai composé moi-même ces vers (NdT : c'est issu de Macbeth (V, v, 19)). Les fans – le public visé- ne penseront pas davantage que d'autres fans ont créé Superman ou Capitaine Kirk. Quoiqu'il en soit, les auteurs de fanfiction sont habituellement très concernés par l'attribution correcte des textes.
Le plagiat, c'est-à-dire copier mot à mot, sans attribution, avec un copieur s'attend apparemment à ce qu'on lui attribue les mots ou les images comme étant les siennes, est l'une des infractions les plus graves contre la communauté des fans. La découverte d'un plagiat est généralement publiquement fustigée (voir The Loïs & Clark Fanfic Archives FAQ).
Les disclamers n'ont jamais été destinées à informer les autres fans. Il a toujours été facile de distinguer une novellisation autorisée de Star Trek d'une création de fan non autorisées. Les disclamers étaient plutôt destinés à un public imaginaire, et aux détenteurs de droits / créateurs originaux. D'ailleurs, ils incluaient souvent la demande "S'il vous plaît, ne m'attaquez pas en justice."
Mais la plupart des fans ne pensent pas que les détenteurs des droits vont réellement venir les lire sur leur lieu de publication.(3) Le reflux des disclamers indiquerait donc que les fan-auteurs éprouvent moins le besoin de se justifier, pas un changement radical de leur attitude envers les auteurs d'origine.
Les pratiques de fans sur l'attribution peut donner plusieurs leçons de la loi.
Le droit des marques est centré sur l'attribution: son but est d'aider les consommateurs à trouver facilement les produits qu'ils désirent, veillant à ce que une canette de Coca sorte vraiment d'une usine d'embouteillage Coca-Cola. Le droit des marques a aussi pour but de protéger les marques de la contrefaçon, quand une nouvelle entreprise utilise un nom connu pour faire croire que ses produits sont aussi bons. Il est arrivé que des auteurs s'appuient sur le droit des marques pour empêcher d'autres personnes d'utiliser leur nom dans des projets qu'ils jugeaient indésirables. Ainsi Stephen King a empêché un studio de cinéma d'appeler un film "Stephen King, The Lawnmower Man" (King c. Livres Innovation, 976 F.2d 824 (2d Cir. 1992)).
Récemment, dans l'affaire Dastar Corp c. Twentieth Century Fox Film Corp, 539 US 23 (2003), à propos d'une série vidéo sur la seconde guerre mondiale principalement composée de séquences provenant d'une série antérieure, la Cour suprême a décidé que la série précédente n'était plus protégé par un copyright. La juridiction inférieure avait statué que Dastar, le producteur de la série, avait violé le droit fédéral des marques en omettant d'attribuer les vidéos à (l'ancien) détenteur du copyright, Fox, qui avait acheté les droits à Time-Life. La Cour suprême a cassé le jugement en estimant que l'utilisation du droit des marques pour faire respecter les droits d'attribution amènerait des batailles infinies sur la véritable source d'une œuvre. Certaines des images de la série Time-Life, par exemple, venaient de films réalisés par des militaires pour le gouvernement américain. Le juge Antonin Scalia (NdT : juge de la Cour Suprême), à propos d'emprunts non attribué par Dastar (Band & Schreurs 2005: 15), a refusé d'exiger des créateurs postérieurs qu'ils soient obligés de se lancer dans une "recherche de la source du Nil et ses affluents" (Dastar: 36).
Ainsi que le révèlent les pratiques de fans, il peut y avoir un consensus social dans une communauté donnée sur la façon de retracer une origine, en décidant d'une limite comme l'a fait le Juge Scalia. Le droit des marques prend souvent compte de ce que les consommateurs pensent être le vrai lien entre un détenteur de marque et un produit. C'est ainsi qu'un fabricant de T-shirt a besoin de l'autorisation du détenteur de la marque pour l'apposer sur ses produits.
La loi pourrait également s'appuyer sur les croyances du consommateur à déterminer si l'absence de crédit est trompeuse. La plupart du temps, les crédits manquants n'entrainent pas de confusion. Le Juge Scalia a permis l'absence de crédit dans des cas déterminés parce que le contexte social de la copie fait que l'absence est purement juridique, pas une volonté de plagier. De même, les créations de fans, même sans disclamer, ont un contexte qui annonce si clairement leur statut de texte non autorisé qu'aucune confusion n'est probable.
Le droit des marques traditionnel suppose que la présence ou l'absence d'un nom a son importance. Cependant, le droit de la publicité est un excellent modèle pour les questions d'attribution, parce que le corps de la loi prend en compte si l'acte dénoncé a eu une influence sur la décision des consommateurs. Une annonce qui ne mentionne pas le prix d'un article n'est donc pas trompeuse ; les consommateurs savent que les marchandises ont un prix.
De façon analogue, dans le contexte de la fanfiction, le manque d'attribution explicite n'est pas une réelle omission car le public sait déjà que le fan-auteur n'est pas le créateur original. Par ailleurs, les fans ne sont pas susceptibles de connaître ou de s'intéresser au réseau complexe de contrats et de droit qui régit les relations entre les créateurs individuels et les grandes sociétés qui détiennent habituellement les droits sur les œuvres populaires. Bien que les fans mettent des disclamers explicites qui renvoient à un créateur particulier ou détenteur du copyright, l'information pertinente est que le fan ne revendique pas la paternité des personnages et des situations.
Les pratiques de fans ne sont pas uniques dans leur idée de crédit approprié déterminé par le contexte. Jonathan Band et Matt Schruers soulignent que la recherche historique a des normes similaires : il existe une distinction en ce qui concerne les attribution attendues en fonction de la publication interne ou externe des articles (2005: 16-17). Ainsi, les historiens s'attendent à voir créditer le travail des autres historiens de façon beaucoup plus systématique et de manière plus spécifique dans les monographies que dans les ouvrages historiques populaires tels que les manuels et les articles d'encyclopédie(American Historical Association 2005). En effet, les historiens, qui attendent une récompense plutôt en terme de réputation que d'argent pour leur contribution à la somme des connaissances, sont plus attentifs à l'attribution appropriée au sein de la profession qu'à l'extérieur.
Plus généralement, le public ne donne pas la même importance à la mention de l'auteur et à celle de la marque d'un bien de consommation courante comme le coca. L'autorisation, qui protège le droit des marques, est différente de la paternité d'une oeuvre. Considérons la copie de "A la poursuite d'Octobre Rouge" de Tom Clancy publié par un éditeur de pirates en Inde et "Tom Clancy Centre Op" roman autorisé écrit par un nègre. Même si le pirate a fait un certain nombre d'erreurs typographiques, beaucoup d'entre nous pensent que le livre piraté a davantage le droit d'être considéré comme le vrai un roman de Tom Clancy que le livre autorisé.
Les textes de fans sont un troisième type de création : ni des copies pures du travail d'un autre auteur, ni des ajouts autorisés à l'original. Les fans auteurs sont souvent explicites sur leurs relation aux textes canoniques : les créations de fans n'ont pas l'autorité d'officielle des textes. Parce qu'ils ne sont pas canoniques, les histoires de fans peuvent offrir des milliers de récits différents sur la façon dont Mulder et Scully ont dormi ensemble la première fois, sans qu'il n'y ait de contradiction. De même, un auteur peut écrire "Cinq choses qui n'arriveront jamais" - cinq histoires alternatives pour son personnage préféré, qui sont toutes, comme l'indique le titre, désavouées par l'auteur (Because AUs Make Us Happy).
L'absence d'autorité découlant de l'absence d'autorisation, donne une liberté que n'a pas le canon officiel qui s'efforce de maintenir une cohérence interne.
Qui attaquer?
En ce qui concerne l'attribution et le droit moral de s'opposer aux distorsions d'une oeuvre, se pose la question de savoir qui est responsable de l'interprétation du texte original publié par les auteurs de fanfictions. Les textes invitrent à l'interprétation et mettre un texte à la disposition du public entraine nécessairement l'abandon d'un certain contrôle sur lui, même si les droits d'auteur ont du mal à accepter cet état de fait. La rhétorique utilisée par les tribunaux en cas d'utilisation transformative suggère que, pour entrainer l'application du fair use, la transformation doit comprendre l'ajout d'un élément nouveau constituant une lecture critique de l'original. Selon la Cour Suprême, une parodie, par ses éléments de distorsion de l'original, amène les lecteurs à repenser les messages de l'original, alors qu'une satire utilise simplement l'original "pour s'éviter la corvée de travailler pour créer quelque chose de nouveau" et n'encourage pas le lecteur à réévaluer l'original (Campbell c. Acuff-Rose Music, Inc, 510 US 569, 580 (1994)). Selon les définitions utilisées par la doctrine du fair use, une parodie a pour objectif spécifique de se moquer de l'original, comme "This Song Is Just Six Words Long" de Weird Al Yankovic sur l'air de "I Got My Mind Set on You". Une satire s'appuie sur une œuvre connue pour attirer l'attention de son auditoire et à se moquer de quelque chose d'autre que l'original, comme une chanson satirique utilisant un air populaire pour se moquer d'un politicien. Bien que tant la parodie que la satire nécessitent l'ajout d'un travail créatif pour transformer une oeuvre en sa caricature, la parodie a une meilleure raison de copier de l'original.
Si on se base sur la différentiation entre la parodie et la satire, on peut en déduire que les tribunaux jugent que le fair use s'applique quand l'oeuvre rend manifeste un élémentqui était sous-entendu dans le texte original (du moins selon l'interprétation de certains lecteurs) : le fair use, c'est travailler sur la transtextualité. Dans deux affaires de parodie impliquant une poupée Barbie, les tentatives de Mattel pour protéger l'image de sa poupée en utilisant le droit d'auteur ont été contrecarrés par les tribunaux qui ont considéré que la mise en scène d'une Barbie ouvertement sexualisée était une manière d'interpréter Barbie car "Barbie comporte déjà une connotation sexuelle". (Mattel, Inc c. Walking Mountain Productions, 353 F. 3d 792 (9th Cir 2003) ; Mattel, Inc c. Pitt, 229 F. Supp 2d 315 (SDNY 2002)). Un autre tribunal a utilisé un raisonnement similaire à rejeter les demandes des marques de Mattel contre la chanson populaire d' Aqua, "Barbie Girl" (Mattel, Inc c. MCA Records, Inc, 296 F. 3d 894 (9th Cir. 2002)).
Encore plus fascinant, l'affaire "Wind Done Gone" qui a tranché sur la question de savoir si l'évocation de l'homosexualité et du métissage était ou non compatible avec le fair use. La succession Mitchell ne voulait pas qu'Autant en emporte le vent soit associés à ces sujets controversés. La Cour d'Appel du onzième circuit a jugé que l'insertion faite par Alice Randall de l'homosexualité dans le monde de "Autant en emporte le vent" , par l'intermédiaire d'un Ashley Wilkes gay, constitue un élément important de l'aspect transformatif du livre. La Cour a cité la description de la famille Wilkes dans Autant en emporte le vent, qualifiée de artistique et "queer" (Suntrust: 1270 n.26), un terme déjà largement utilisé pour décrire les homosexuels quand Mitchell a écrit le roman (Dictionnaire de l'argot américain 1967: 415). Les similitudes avec la fanfiction slash, qui reprend les éléments homo-érotiques des textes originaux, sont évidentes.
En d'autres termes, le tribunal a jugé que la transformation consiste à rendre clair ou emphatique ce qui était opaque ou limité dans le texte original.(5) En conséquence, la défense juridique des parodies et autres transformations littéraires protège les critiques en tant que créateurs que lorsque qu'ils exploitent ce qui existait déjà de manière sousterraine. Parce que les tribunaux exigent que l'auteur de seconde main critique un élément dans le texte plutôt que d'utiliser le texte pour critiquer quelque chose d'autre ( la distinction entre parodie et satire), la question du fair use passe par la question de savoir si la critique a trouvé son sujet dans l'original ou a simplement ajouté du contenu sans rapport avec le texte. Transposé aux fanfiction, la question serait de savoir si le nouveau texte est assez loin de l'original, mais sans l'être trop.
La détermination par un tribunal si une oeuvre constitue une critique transformative passe par l'évaluation de la responsabilité de l'auteur original dans le contenu de la critique, avec souvent un contenu que l'auteur trouve extrêmement choquant. Il ya, cependant, une tension entre l'exigence des tribunaux d'un fair use transformatif amenant un élément transtextuel à la lumière et la demande simultanée d'une création originale fondant son droit à exister de manière indépendante. Si l'ajout d'un matérieau nouveau était requis le seul élément requis comme le croient de nombreux théoriciens du droit, alors la distinction parodie / satire serait inutile. La persistance de distinction indique la préoccupation des tribunaux d'attribuer le crédit - ou le blâme - aux auteurs dont les œuvres inspirent d'autres et les amènent à réagir en modifiant l'original : s'il n'y a pas de lien réel entre un original et une transformation non autorisée, alors ce n'est pas une utilisation "juste" et il n'est pas "juste" de faire le lien entre l'auteur et la nouvelle oeuvre. Mais s'il y a un lien, alors le désaccord de l'auteur ou le rejet d'une interprétation n'est pas une justification suffisante pour le récuser.
Dans le fandom, la question de l'attribution correcte est souvent lié au caractère des personnages. La plupart des fan auteurs tentent, dans une certaine mesure, de rendre reconnaissables les personnages qu'ils utilisent en les reliant à leur version officielle. S'ils montrent le capitaine Kirk et Monsieur Spock ayant une relation sexuelle, ils veulent les lecteurs les voient comme des extensions des personnages canoniques, non pas comme deux hommes qui se trouvent par hasard avoir les noms "Kirk" et "Spock". Des lecteurs jugeront peut-être que leur caractère n'est pas approprié, mais l'objectif lui-même sera commun, sinon universel. Les fans, tout comme les tribunaux qui statuent sur le fair use, analysent ces travaux de manière inextricablement liée aux textes originaux, en faisant ressortir du sens, tout en lui en apportant un nouveau.
Attribution et droit moral
Les avocats avertissent maintenant les détenteurs des copyright que les fans vont produire des textes et que ces textes doivent être pris en compte dans l'organisation des relations avec les fans. En face, les fans ont généralement au moins une vague idée de la manière dont les droits d'auteur s'appliquent à leurs activités. Les concepts de bonne attribution et du crédit jouent un rôle majeur dans les théories sur la propriété intellectuelle des créateurs fans (Tushnet 1997: 678-680). Les pratiques d'une communauté peuvent remplacer l'attribution dans les cas où elle n'est pas clairement indiquée avant le texte et les liens entre les créations originales et les fanfictions sont complexes, avec un crédit partagé entre l'auteur original et le fan.
La doctrine du fair use transformatif a des difficultés avec l'attribution quand on considère la critique d'une oeuvre qui reformule ce qu'elle voit dans l'original comme la partie créative d'un travail. Plus une oeuvre est considérée comme une transformation dans le sens juridique du terme, plus on est en mesure de déceler dans la transformation des éléments présents dans l'original. Le concept juridique du fair use transformatif nie à l'auteur le pouvoir de contrôler toutes les interprétations de son texte, et pas seulement en pratique mais conceptuellement. C'est en contradiction évidente avec le droit moral contre les distorsions et de nombreux juristes en ont conclu que les droits moraux ne rentrent pas dans le système du copyright américain. Mais, comme les pratiques de fanfiction le démontre, il y a plusieurs sortes de droits moraux : l'attribution, même non explicite, peut et doit indiquer le créateur, même si un contrôle total lui est refusé.
En revanche, le droit moral contre les distorsions apparait particulièrement mal adapté aux réalités de la créativité à partir du moment où sont acceptées la critique, la dérision et la caricature des éléments présent dans les oeuvres originales. Ce qu'un auteur a eu l'intention de produire et ce que les autres en comprennent est souvent divergent. Les pratiques de fans, en mettant en avant les liens indisociables qui existent entre les originaux et réponses créatives non autoriseés peuvent ainsi donner un nouvel éclairage sur le sens et les implications du droit d'auteur. De même, la doctrine du fair use donne aux fans des arguments pour soutenir que leurs créations non autorisées ne sont ni illégale ni immorale.
Notes et bibliographie
Notes
1. J'ai traité essentiellement du droit américain, même si le fandom est un phénomène mondial, car la loi américaine est exceptionnellement permissive, alors que de nombreux autres pays ont des exceptions très limitées au droit d'auteur, ce qui exclut le plus souvent le droit de faire des fanfiction. De plus, les détenteurs de droits d'auteur aux États-Unis, comme beaucoup d'autres entités américaines, sont relativement rapides à menacer d'attaquer en justice quand ils perçoivent une ingérence dans leurs droits.
2. Si j'ai conclu mon article sur l'affirmation que la fan fiction relève généralement du fair use, je ne suis pas aussi confiante pour d'autres formes de créations de fan. En particulier, il est difficile de soutenir le caractère transformatif dans le cas d'utilisation de musique dans les vidéos musicales de fan. Bien que la modification du support visuel de la musique soit souvent une critique perspicace du film original ou de la série, la musique joue habituellement sa fonction ordinaire et ne gagne pas un sens nouveau, du moins pas dans la façon dont un tribunal est susceptible de l'accepter en tant que fair use transformatif.
3. Les disclamer sont comparables aux sous-titres dans les publicité, qui ne sont pas vraiment à destination des consommateurs, qui ont tendance à ne pas les lire, mais sont à l'attention des régulateurs et des concurrents pour prouver que l'annonceur est conscient des diverses exigences juridiques qui s'appliquent à lui.
4. Comme Francesca Coppa me l'a fait remarquer, le consensus social sur l'accrédiation pourrait être moralement contestable, comme lorsque les artistes blancs se sont attribuées, pour les populariser, les formes de musique Afro-américaines. De plus, un consensus peut également se modifier au fil du temps tout comme les tendances politiques et sociales modifient l'origine des histoires. C'est une raison supplémentaire pour affirmer que l'utilisation de la loi pour renforcer les normes d'accréditation ne serait pas être une bonne idée.
5. L'autre sujet tabou, le métissage, se déduit encore plus directement de Autant en emporte le vent. On peut affirmer que dans une société esclavagiste, le métissage fait inévitablement partie du contexte.
Bibliographie
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Campbell v. Acuff-Rose Music, Inc., 510 U.S. 569, 580 (1994)
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Mattel, Inc. v. MCA Records, Inc., 296 F.3d 894 (9th Cir. 2002)
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