La pédagogie informelle des fandom d'animés
Partie II
Henry Jenkins : Dans quelle mesure les avancées pédagogiques que vous avez constatées n'ont pas été tout simplement le résultat de la motivation trouvée pour passer plus de temps à écrire ? Dans quelle mesure peut-on les imputer à la bêta-lecture et réponses de lecteurs, cette interractivité avec l'écrivain ?
Eh bien, je crois que l'une des meilleures façons d'apprendre une nouvelle langue et d'améliorer vos compétences littéraire est d'utiliser cette langue à des fins de communication. Donc, je pense qu'une bonne partie des progrès des apprenants de langue anglaise de mon étude peut être attribuée à leur motivation à écrire et lire des fanfictions et des textes sur les mêmes thèmes. Je pense aussi que leur succès au sein de la communauté de fans leur ont permis de développer de la confiance en eux et commencer à se voir comme des gens qui écrivent et utilisent l'anglais de manière efficace. Pour Nanako et Cherry-Chan, cela changeait beaucoup de la manière dont elles étaient perçues à l'école - en gros, à l'école, ils étaient considérés comme des étudiants qui pataugeaient dans tout ce qui touchait au littéraire (par opposition aux mathématiques ou aux matières scientifiques). Et si vous êtes étiqueté "mauvais" pour une matière durant une longue période vous finissez par être persuadé de l'être. Heureusement, pour Nanako au moins, son succès au sein de la communauté des fans lui ont permis d'atteindre succès et la popularité comme auteur en ligne - qui à son tour lui a fourni la motivation pour continuer à écrire et à améliorer son anglais. Cherry-Chan, elle, a bénéficié de sa participation à la communauté des fans dans le domaine de l'amélioration de ses relations sociales. En parallèle, elle a utilisé ses compétences linguistiques et d'alphabétisation pour remplir ses pages sur LiveJournal, forums et sites web et pour publier des commentaires sur les fictions et sur les pages web des autres.
En ce qui concerne l'effet que le bêta-lecture et les commentaires par des pairs ont pu avoir sur leurs capacités linguistiques, il est important de noter qu'ils suivaient tous deux des cours d'anglais à l'école, donc je ne peux pas vraiment faire de lien de causalité. Mais, durant les trois années durant lesquelles je j'ai suivie Nakano, ses lecteurs lui ont indiqué ses erreurs grammaticales récurrentes et elle a pris en compte ces remarques pour revenir corriger ses anciens textes. En termes d'acquisition d'une seconde langue, il s'agit d'un aspect important de l'apprentissage - dans ce cas précis, pointer ses erreurs et réfléchir ensuite à la manière d'y remédier. Les lecteurs de Nanako lui indiquaient parfois comment corriger les erreurs, mais il arrivait qu'ils se contentent de signaler les phrases sou les paragraphes fautifs en la laissant se débrouiller pour comprendre ce qui n'allait pas. À mon avis, ces activités ont contribué à améliorer ses compétences en rédaction en anglais. La plupart des auteurs de fanfictions à qui j'ai parlé ont souligné combien leurs bêta-lecteurs et commentateurs les ont aidés à améliorer leur capacité d'écriture.
Henry Jenkins : Certains prétendent que le monde fanfiction encourage les compétences en littéraires, précisément parce qu'il se distingue des structures et des contraintes de l'éducation officielle. Ils prétendent que cela ne marcherait plus si on tentait de reproduire ces shémas au sein de notre système d'éducation. Etes-vous d'accord ou en désaccord avec cette affirmation ? Y a t-il des méthodes que les professeurs officiels peuvent apprendre de ces espaces d'affinité ?
J'ai tendance à penser que pratiquer la fanfiction dans les salles de classes lui ferait probablement perdre son attrait pour de nombreux étudiants. Toutefois, d'autres élèves pourraient vraiment être heureux de pouvoir utiliser des oeuvres ou des jeux comme base pour leur rédactions à l'école. Par exemple, beaucoup d'adolescents pourrait se sentir plus à l'aise dans l'analyse s'ils étaient en mesure d'avoir une certaine expertise sur la question, par exemple en analysant et discutant du bien-fondé de l'action de certains personnages de jeu vidéo ou en utilisant Inuyasha ou Harry Potter pour donner leur avis sur l'évolution des personnages. Les enseignants pourraient prévoir leurs cours de manière à prendre en compte, ou simplement permettre aux étudiants d'intégrer, les activités littéraires parascolaires et / ou leur intérêt pour des médias de masse dans les exercices. Les enseignants peuvent également aider les élèves à faire le lien entre les activités scolaires et extra-scolaires. En fin de compte, le mieux serait de laisser les élèves décider dans quelle mesure leurs activités extra-scolaire peuvent s'intégrer aux devoirs de classe.
Henry Jenkins : Qu'apporte le fait d'étudier le process d'écriture de la fanfiction à simplement étudier les textes de fanfictions ?
Eh bien, l'un des intérêt d'étudier le processus d'écriture des fanfiction lui-même, est qu'il met en lumière le mécanisme de la participation du public dans la création des textes. Tous mes participants principaux ont reçu beaucoup de commentaires des lecteurs - Grace a reçu près de 9400 reviews, Nanako 7600, et Cherry-chan environ 650. Je ne sais pas pour vous, mais je n'ai jamais eu autant de retours pour tout ce que j'ai écrit, notamment quand j'étais un adolescente. Hmmm ... à la réflexion, VOUS avez probablement de nombreux retour sur ce que vous avez écrit. Quoi qu'il en soit, le public de fanfiction joue souvent un rôle important dans l'écriture du texte.
Ainsi que vous l'avez souligné dans Textual Poachers[Les braconniers textuel], le public s'investit dans les séries qu'il voit et les lecteurs / spectateurs ont des opinions bien arrêtées sur ce qui doit ou ne devrait pas arriver aux personnages. Ils sont enclins à vous fournir des suggestions sur la façon dont les choses devraient se passer selon eux et protester si l'histoire prend un tournant qu'ils n'apprécient pas. Nanako en particulier était très réceptive aux suggestions des lecteurs sur ses textes. Parfois, elle intégrait leurs idées dans le récit et il lui est même arrivé de revenir en arrière pour modifier ses chapitres en fonction des commentaires de ses lecteurs. Elle utilisait ses notes d'auteur pour demander expressemment des conseils sur certaines parties de ses textes et son public répondait à ces demandes. Ainsi, se limiter à l'étude de la fanfictions comme un corpus de textes m'auraut fait complètement passer à côté de cette interaction réciproque par lequel est passé le processus de rédaction de ses histoires, ses échanges avec les lecteurs, la révision et la finalisation de ses textes.
Henry Jenkins : Génralement, quand on parle d'apprentissage d'une langue ont eu tendance d'imaginer une formation individuelle et personnaliséé. Votre livre donne l'impression qu'il faudrait privilégier le rôle de la soialisation et la collaboration pour enseigner la lecture et l'écriture. Est-ce bien cela ?
Tout à fait. Je pense qu'un enseignement prodigué à une classe entière qui s'articule autour du principe "garder les yeux sur sa feuille" et du test individuel des connaissance des élèves étouffe considérablement le potentiel de l'apprentissage collaboratif. Utiliser la langue pour exposer efficacement des idées, débattre ou collaborer autour de projets est toujours bénéfique, mais ce genre d'apprentissage interractif est particulièrement important dans l'apprentissage de langue anglaise. Grâce à l'interaction collaborative, ils peuvent avancer et profiter des connaissances qu'apportent chacun des participants. Utiliser le langage avec un objectif et dans un contexte qui signifie quelque chose pour eux leur permet aussi de consolider leur propres compétences et connaissance.
Appadurai
suggère que l'imaginaire contemporain est de nature collaborative - que les gens prennent de plus en plus l'habitude de créer et de penser par des voies intégrant un contexte de collaboration. Il faut voir combien de personnes seront présentent leurs projets ou leurs idées sur un blog ou publient en ligne les textes dont ils sont en attendant des retours dessus. Il me semble que ce type d'approche à la création et même la pensée peut être un moyen très efficace pour trouver protester efficacement, mettre ses idées à plat et trouver des solutions à des problèmes difficiles. Ce n'est donc pas seulement l'idée d'enseigner la lecture et l'écriture de manière collaboratrice et communautaire, mais plutôt un virage général vers toutes sortes d'activités de collaboration qui sont facilitées par les nouveaux médias et technologies.
Henry Jenkins : Parlez-nous de la couverture du livre. Vous m'avez dit qu'il a été conçu par un artiste de fanfiction. Comment la maison d'édition a-t-elle géré le fait de travailler avec un fan artiste ?
Eh bien, après une de mes présentations, un professeur qui y avait assisté m'a dit que sa fille dessinait des fanarts et faisait des scanlations (traductions amateure de mangas japonais qui sont scannés et proposés en ligne) au sein d'une communauté de fans et a suggéré que je prenne contact avec elle. Nous sommes restés en contact un peu au fil des ans et, quand j'ai commencé mon livre, elle m'a semblé être la personne idéale pour créer la couverture. Je lui ai exposé les thèmes principaux du livre et elle m'a proposé cette fantastique jaquette représentant un personnage d'anime se dessinant elle-mpême avec un crayon. J'ai trouvé que cela correspondait très bien avec les thèmes abordés dans le livre - la plupart de mes participants ont repris différents aspects de leur identité dans leurs fictions. Ils n'ont pas écrit du Mary Sue, mais ils ont intégré différents aspects de leur dans leurs textes fan fiction. Les éditeurs de la série, Colin Lankshear et Michele Knobel, et la maison d'édition Peter Lang, étaient tous très favorables à l'utilisation de cette oeuvre pour la couverture. C'était une façon significative de valoriser les communautés et les pratiques qui sont représentés dans le texte.