La fanfiction et les ayants-droits

La controverse Marion Zimmer Bradley

Qui est Marion Zimmer Bradley ?

Marion Zimmer Bradley (3 juin 1930 – 25 septembre 1999) a été un écrivain prolifique de fantasy et de science-fiction, son oeuvre se situant souvent à la limite des deux genres. Ses romans sont empreints d'un féminisme plus ou moins modéré. Elle a aussi encouragé, à travers l'anthologie Sword and sorceress qu'elle dirigeait, l'émergence de nouveaux auteurs tels que Mercedes Lackey. Encourageant plus particulièrement de jeunes auteurs féminins, elle inclut aussi des hommes dans ses anthologies.

Marion Zimmer Bradley a eu une grande influence sur toute une génération d'auteurs et de lecteurs aussi bien dans le domaine de la Fantasy que de la science-fiction. Ses romans sont souvent construits autour de portraits d'héroïnes non conformistes eu égard aux standards de la société dans laquelle elles vivent.

Une de ses créations les plus connues est le cycle de Ténébreuse (Darkover).Le cycle reçut un accueil très positif qui conduisit à la création de l'association des Amis de Ténébreuse (The friends of Darkover) dans les années 1970. Ce groupe publia à partir de 1975 une lettre d'information (The Darkover Newsletter) qui se transforma en 1977 en un fanzine intitulé Starstone.

Marion Zimmer Bradley encouragea la publication dans ce fanzine de nouvelles se déroulant sur Ténébreuse écrites par des fans, le plus souvent novices en la matière. À l'initiative du fondateur des éditions DAW, Donald Wollheim, elle rassembla les meilleures nouvelles dans une anthologie intitulée The Keeper's Price, parue en 1980. Le succès de ce premier volume motiva la réalisation de 11 autres anthologies sur le même thème.

En 1992, Marion Zimmer Bradley décida cependant d'interdire formellement l'écriture d'œuvres de fiction dans l'univers de Ténébreuse, suite à un désaccord avec l'auteur d'une nouvelle inédite.

Après avoir souffert de problèmes de santé durant plusieurs années, Marion Zimmer Bradley s'est éteinte le 25 novembre 1999 des suites d'un infractus du myocarde.

Depuis sa mort, les droits de l'oeuvre complète de Marion Zimmer Bradley sont gérés par une fondation créée à cet effet, le Marion Zimmer Bradley Literary Works Trust.

Lire sa biographie complète sur Wikipédia

Marion Zimmer Bradley vs. Fanfiction

Par Jim Hines

Lire la version originale sur le LiveJournal

La plupart des auteurs, ceux qui vendent leurs ouvrages ou produisant de la fanfic, ont entendu une certaine version du 'conte initiatique' de Marion Zimmer Bradley concernant la fanfiction. Des versions présentent Bradley comme une personne généreuse et partageuse qui a encouragé le fanfiction jusqu'à ce qu'un auteur de fanfic avide tente de la poursuivre en justice, torpillant un de ses livres dans le processus. Dans d'autres, Bradley a attaqué des auteurs de fanfictions sans défense, pillant leurs idées de perpétuer son empire d'édition.

Avant de nous prévaloir de cette histoire quand nous discourons sur la fanfiction, il serait bon de s'appuyer sur des faits réels, plutôt que de colporter des rumeurs, des conjonctures et des récits de quatrième main. Michael Thomas et opusculus se sont tous deux exprimé sur cette histoire et ont été le point de départ de ma propre analyse. Cependant, je voudrait creuser plus avant et éviter les sources wiki-sites que ne ne considère pas comme fiables pour ce genre d'affaires.

Pour planter le décor, je préciserait que mes premiers achats ont été pour le Marion Zimmer Bradley’s Fantasy Magazine. J'ai plus tard acheté une histoire de Sword and sorceress XXIV. De plus, j'ai été publié par DAW [NdT : DAW books est une maison d'édition américaine qui publie de la science fiction et de la fantasy], qui a aussi publié les oeuvres de Bradley. Je vous laisse juge de l'influence que cela peut avoir sur mes rechercherches et conclusions.

Les sources de première main sont en bleu. Je vous inclus les liens à chaque fois que c'est possible.

La situation

Bradley a permets et toujours encouragé la fanfiction à ses débuts. Tiré de l'introduction en 1980 de la premières antologie de Ténébreuse, The Keeper's Price, p. 14 : En toute vérité, je me considère pas comme l'inventeur de Ténébreuse, mais son découvreur. Si d'autres souhaitent jouer dans mon monde de fantasy, qui suis-je pour claquer la porte et demander d'une voix revèche qu'ils construisent leur propre monde ? … Pourquoi devrais-je me priver du plaisir de voir ces jeunes auteurs apprendre en leur laissant, durant un moment, partager des choses avec moi ?

Bradley a aussi publié le fanzine Starstone avec son mari Walter Breen. (Ce qui, selon moi, brouille un peu les définitions . Est-ce vraiment de la fanfic si l'auteur original est celui qui édite le magazine ? Est-ce comparable aux anthologies de Star Wars que Kevin J. Anderson a publié ? Certains penseraiet que non, parce que ce sont les travaux autorisés, explicitement autorisés par le détenteur de droits d'auteur. D'autres diraient que c'est toujours de la fanfiction. Je réserve mon jugement à ce sujet.)

Des années plus tard, une fan s'appellant Jean Lamb a publié une nouvelle s'intitullant "Masks" dans le fanzine Moon Phases (#8 in 1986.) Lamb a confirmé cette information dans un message posté sur un newsgroup le 19 mars 2001. C'est là que cela commence à être un peu la pagaille.

Le conflit

Dans une lettre que Bradley aurait prétenduement écrit au Writers Digest en mars 1993, elle explique : "une des fans [Lamb] a écrit une histoire basée sur mon monde et mes personnages, qui recouvre des éléments que j'ai utilisé pour le roman suivant sur Ténébreuse. Ensuite,elle m'a envoyé un exemplaire de son fanzine, je l'ai lu et mon éditeur ne va pas publier mon roman écrit durant cette période. J'ai perdu plusieurs années de travail, sans compter le désagrément de voir cette affaire se terminer en justice."(1)"

La version de Lamb est différente : "j'ai reçu une lettre me proposant une somme d'argent et une mention de mon nom en échange de tous droits sur le texte. J'ai tenté à ce moment de négocier - très poliment - une meilleure offre. On m'a dit que j'aurais dû accepter l'offre, que c'était bien plus que beaucoup d'auteur proposent (il s'agit ici de quelques centaines de dollars) et qu'ils accordaient tous cette la reconnaissance sous cette forme (on était au cours de l'été 92)."

Enfin, nous avons la version de Mercedes Lackey. Cette dernière a travaillé en étroite collaboration avec Bradley, et pour cette raison, je l'indique comme une source de première main : "Marion avait commencé à écrire un livre dans la série Ténébreuse autour de Regis Hastur. Elle aurait aimé récupérer un point particulier développé par une fan sur une situation et lui a demandé le droit de s'inspirer de ce dernier contre l'habituelle mention en début de livre. Elle en avait fait autant auparavant avec d'autres auteurs fans."

Bradley avait en effet fait des emprunts à d'autre fans et auteurs dans le passé : selon Elizabeth Water : "En 1977 j'ai écrit une histoire sur Ténébreuse autour de Hilary Castamir. Un de mes amis connaissait MZB et la lui a fait parvenir. Elle l'a repris dans The Keeper Price". Finalement, c'est devenue le titre de la première anthologie de Ténébreuse. Le texte est signalé dans la table des matières comme une collaboration entre Bradley et Waters.

Les faits

D'après les éléments dont je dispose, ce qui suit n'est pas contesté :

  1. Bradley encourageait la fanfiction.
  2. Bradley a lu une histoire de Jean Lamb, “Masks” dans Moon Phases.
  3. Bradley a contacté Lamb, lui a offert de la payer et de la citer en échange de tous droits sur sont idée dans Masks pour son histoire “Contraband" qui prend place dans la série Ténébreuse
  4. Bradley et Lamb se sont montré incapables de trouver un accord et “Contraband” n'a jamais été publié.
  5. Bradley a modifié sa position vis à vis de la fanfiction, indiquant qu'elle ne l'autorisait plus.
Les points en suspens :

J'ai lu diverses spéculation venant de sources différentes, mais j'ai toujours été incapable de trouver une réponse irréfutable aux questions suivantes :

  1. Qui a engagé un avocat en premier, Lamb ou Bradley ?
  2. Combien de temps et de travail a réellement perdu Bradley ?
  3. Dans quelle mesure Bradley avait-elle prévu d'utiliser le travail de Lamb ?
  4. Qu'est ce qui a réellement suspendu la publication de “Contraband" ?

La dernière question me tracasse. Plusieurs témoignages suggèrent que le livre était déjà écrit. Que Bradley et Lamb ne soient pas parvenues à un accord, c'est une chose, mais je ne vois pas comment cela a pu mettre en péril le livre en entier. Si vous n'avez pas les droits pour utiliser l'histoire de quelqu'un d'autre, alors vous continuez à écrire les vôtres.

Une réponse est peut-être apportée par le témoignage de Nona Boal, l'éditrice de Moon Phases : "Marion a proposé à Jean une mention particulière ainsi que 500 $. Jean a refusé, disant qu'elle voulait des droits partagés sur le roman. Jean était convaincue (à tort) que Marion avait l'intention de plagier [sic] ce qu'elle avait écrit dans sa fanfiction sur Danvan Hastur".

Que ce soit réellement le cas ou juste une crainte de la part de Bradley, je peux comprendre que le spectre de complications légales et d'accusation de plagiat ait pu suffire à saborder le projet. Cependant, c'est pure spéculation de ma part.

Ma conclusion

Le cas MZB a été utilisé durant des année pour justifier des auteurs dans leur refus de permettre la fanfiction. A la lueur des faits dont j'ai eu connaissance, je ne pense pas que ce soit un argument valide.

Je ne dis pas aux auteurs de permettre ou non la fanfiction, mais dans CE cas, je pense que le vrai problème n'est pas du fait que Bradley autorisait la fanfiction sur Ténébreuse mais de deux autres éléments :

  1. Bradley était partie prenante dans la fanfiction sur Ténébreuse du fait qu'elle éditait un fanzine et lisait les oeuvres libres de ses fans
  2. Bradaley a tenté d'acheter les droit d'une fanfiction pour en utiliser le contenu

On peut toujours discuter sur le fait que la proposition faite par Bradley était dérisoire ou que la réponse de Lamb était déraisonnable. Je n'ai pas les éléments pour trancher d'un côté ou de l'autre. (A la lueur de ma connaissance de la nature humaine, j'ai tendance à penser que les torts étaient partagés, si vous voulez vraiment le savoir).

La leçon que je tire de toute cela est d'éviter de me retrouver potentiellement dans la position de Bradley, ce qui signifie ne pas lire de fanfiction basée sur mon oeuvre. Je reconnais que tous les auteurs de fanfiction que j'ai rencontré et avec qui j'ai parlé sont des personnes merveilleuses... mais il en suffit d'un. Donc si quelqu'un apprécie suffisemment mon oeuvre pour écrire de la fanfiction dessus, je serais flatté... mais je ne veux rien savoir à ce propos.

(1) Certains ont prétendu que c'était DAW qui a mis fin au projet. J'ai parlé à Betsy Wolheim de DAWqui m'a assuré que c'était la décision de Bradley, pas de DAW. (retour)

Lire la version originale sur le LiveJournal

La version complète du récit de Jean Lamb

Publié sur un site de discussion google rec.arts.sf.written

Par Jean Lamb

Bonjour, c'était moi.

Voici ce qui est arrivé. C'était bien de la fanfic, mais publié plus ou moins sous l'égide de MBZ comme texte autorisé au sein de MOON PHASES (édité par Nina Boal). C'était un livre intitullé MASKS dont l'intrigue était complètement incluse dans Ténébreuse.

J'ai reçu une lettre me proposant une somme d'argent et une mention de mon nom en échange de tous droits sur le texte. J'ai tenté à ce moment de négocier - très poliment - une meilleure offre. On m'a dit que j'aurais dû accepter l'offre, que c'était bien plus que beaucoup d'auteur proposent (il s'agit ici de quelques centaines de dollars) et qu'ils accordaient tous cette la reconnaissance sous cette forme (on était au cours de l'été 92).

A ce moment, je n'envisageait aucunement de poursuite en justice ou quoique ce soit dans le genre ; en fait, quelques mois plus tard j'ai reçu une lettre de l'avocat de Ms Bradly me menaçant d'un procès si j'en venais à me montrer un peu trop franche à propos des, heu, méthodes d'écriture de Ms Bradley et de ses collaborateurs de l'époque (du moins, c'est ainsi que j'ai compris la formulation de l'avocat). Inutile de dire que je ne pouvais pas me permettre d'assurer les frais d'une défense. Continuer à dire la vérité m'aurait ruinée (et va sans doute le faire).

Je n'ai pas pu publier le livre. Je l'ai soumis plus tard à DAW et mon travail m'a été retourné dans un temps incroyablement court avec un bulletin pré-imprimé. (cela peut être dû à la qualité de mon travail plus qu'à ma demande de crédit, mais je m'empresse d'ajouter que je ne les avais jamais vus travailler aussi vite auparavant).

Cela a été un long et étrange voyage. Qui m'a guérie de la fanfiction.

Lire l'original dans une discussion sur le groupe de discussion google rec.arts.sf.written, discussion Copyright and Filk Songs

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Dernière modification de la page : 16/12/2022