Portrait des amateurs de fanfiction
Une population jeune et féminine
Pour commencer, les lecteurs et auteurs de fanfiction constituent une population très féminine : plus de 80% de ceux qui fréquentent les sites de fanfiction sont des filles.
Elles ont plutôt entre 15 et 25 ans, avec un âge moyen qui tourne aux alentours de 18 ans. Elles sont donc en grande partie lycéennes et étudiantes mais on y trouve également des jeunes de 12-13 ans, des mères de famille et voire même quelques grand-mères.
Il peut y avoir des disparités en fonction des sites : les blogs vont attirer des très jeunes amateurs alors que dans les communautés sur LiveJournal les participantes sont sensiblement plus âgées - âge moyen 30 ans - et produisent des textes plus mûrs (et pas forcément pour les enfants).
Un rassemblement de personnes venant d’horizons différents
La fanfiction peut s’appuyer sur des œuvres très diverses, des médias différents qui ont répondu à des attentes multiples. De même, une œuvre peut être interprétée de manière très dissemblable par ses fans.
Il n’est donc pas étonnant de trouver parmi les auteurs et lecteurs de fanfiction des profils très différents : on a des matheux, des biologistes, des informaticiens et, bien entendu, des littéraires.
La plupart du temps, la fanfiction est un loisir complètement distinct de leur formation ou de leur métier.
Des profils de lecteurs très hétérogènes
Qui dit fanfiction, dit lecture. Du fait de la diversité des raisons qui amènent à la fanfiction, on trouve des lecteurs très différents les uns des autres sur ces sites.
Il y a bien entendu des lecteurs aguerris. Ils ont l'habitude de lire et, même dans le cas où ils se spécialisent dans un fandom, leur œuvre de prédilection n'est qu'un livre parmi leurs nombreuses lectures.
D'autres sont plus occasionnels : ils ne lisent que des mangas ou n'ont découvert le plaisir de lire qu'avec Harry Potter ou Twilight. Ils ne lisent donc pratiquement rien à part les fanfiction mais peuvent tout de même être boulimiques dans ce domaine.
Il y a aussi toute une population de non-lecteurs. Ils sont là car ils ont eu le coup de cœur pour un film (La guerre des étoiles, Pirate des Caraïbes), une adaptation d’œuvre littéraire (Harry Potter, le Seigneur des Anneaux), un animé (Naruto, Dragon Ball), une série télévisée (Supernatural, Buffy, NCIS), ou même un jeu vidéo (Pokemon, Final Fantasy).
Ainsi, les demandes seront très diverses. Certains exigent les qualités littéraires du livre qui les a amenés là mais d’autres ne veulent que retrouver les émotions qu’ils ont éprouvées en visionnant l’œuvre exploitée et ne sont pas regardant sur le style et l’orthographe qu’ils ne maîtrisent pas du tout.
Cette hétérogénéité se retrouve dans les textes proposés. Certains sont d’une maîtrise et d’une maturité étonnante, d’autres sont désolants, surtout au regard de l’âge de l’auteur.
Un aspect communautaire marqué
Un loisir socialement peu reconnu
A la base, écrire et lire de la fanfiction n’est pas un exercice valorisant.
Pour commencer, lecture et écriture n’ont pas forcément une image positive tant auprès des copains que de la famille. Certains préfèrent donc ne pas en parler pour ne pas se différencier des autres.
Quand l’entourage respecte l’écrit, cela ne vaut guère mieux : les auteurs de fanfiction sont plus ou moins assimilés à des plagiaires. De plus, les auteurs ne cherchant pas à être publiés de manière classique et ainsi être adoubés par une maison d’édition, ils ne peuvent être reconnus comme des écrivains à part entière.
Lire ces textes est assimilé à une perte de temps et tous les auteurs qui ont parlé de leur activité ont entendu au moins une fois : « Pourquoi n’essaies-tu pas d’écrire un vrai livre ? ».
Les œuvres qui servent de base à la fanfiction peuvent aussi décrédibiliser l’exercice ; littérature jeunesse (Harry Potter, Twilight), dessins animés japonais, jeux vidéos donnent une image infantilisante de l’exercice.
Enfin, une partie des productions de fanfiction contiennent des scènes érotiques ou développent des romances gays. Ces textes sont délicats à partager avec ses parents, ses camarades de classe ou ses collègues, ce qui amène une certaine réserve sur le sujet.
Pour ces raisons, il est rare que les amateurs de fanfiction partagent cette activité avec leur entourage. Cela va contribuer à resserrer les liens entre eux.
Une structure basée sur l’échange
Ecrire de la fanfiction est une activité de fan, à l’intention d’autres fans. En lire sans connaître l’œuvre d’origine est ingrat car un certain nombre d’éléments indispensables à la compréhension de l’histoire sont volontairement omis car bien connus des lecteurs.
Si les amateurs de fanfiction sont très réservés à propos de leur loisir avec leur entourage proche, ils aspirent cependant à partager entre eux leur goût pour leur œuvre de prédilection et les idées qu’elle a fait naître chez eux. C’est dans cette optique qu’ils diffusent de manière gratuite le fruit de leur travail (le prix des fanzines ne couvre généralement que le coût du papier et de l’impression).
De même, les lecteurs de fanfictions ont la possibilité d’entrer en relation avec les auteurs par le système des commentaires, de les encourager ou de leur faire part de leurs critiques, leurs idées pour la suite de l’histoire, leurs regrets quant à la direction prise par l’intrigue. C’est une relation privilégiée qu’ils ne peuvent avoir avec les auteurs ‘officiels’ des livres et films qu’ils apprécient. Il n’était pas rare, lors de la vente de fanzines, que des séances de dédicaces soient organisées.
Nous le verrons plus tard, le commentaire est au cœur de la publication sur internet.
Les réseaux et les forums
La notion de réseau est très développée dans le monde de la fanfiction.
Sur les blogs, les nouveaux auteurs se font connaître en allant commenter d’autres textes. Les auteurs de ces derniers vont jeter un regard sur le travail de leurs commentateurs puis, s’ils aiment ce qu’ils ont trouvé, ils vont à leur tour laisser une appréciation et mettre un lien sur leur blog pour recommander le texte à leurs lecteurs.
Sur les sites de publication, les profils permettent d’indiquer les histoires et les auteurs qu’on apprécie le plus. Les lecteurs naviguent ainsi d’auteurs en auteurs. Ils trouvent plus facilement de cette manière des textes qui leur conviennent qu’en allant sur la page des nouveautés.
Les sites proposent également des forums où les visiteurs peuvent se croiser. Ils parlent un peu d’eux-mêmes, discutent des fandoms qui les intéressent, conseillent de lire les fanfictions pour lesquelles ils ont eu un coup de cœur, consultent les autres quand ils ont un problème avec l’écriture.
Il n'est pas rare que des rencontres soient organisées IRL (in real life) pour que les personnes rencontrées virtuellement prennent davantage de consistance que les avatars et les pseudos derrière lesquels chacun se masque.
Un langage propre
A la fois pour rendre compte de la spécificité des genres développés en fanfiction et hérité des milieux anglophones qui l’ont pratiquée les premiers, tout un vocabulaire spécifique s’impose sur les forums et les sites de fanfictions.
On a tout ce qui tourne autour de la fanfiction en général : disclamer (indication de l’auteur d’origine), rating (niveau de lecture), review (commentaire), beta reader (relecteur), fandom (œuvre exploitée), canon (conformité à l’œuvre)...
Ensuite, on a le genre des textes, qui sont généralement indiqués en anglais - angst (angoisse), tragedy, parody - ou du japonais – shojo (œuvre pour fille), shonnen (œuvre pour garçon).
On a des qualificatifs pour la forme du texte – OS (un seul chapitre), drabble (nombre de mots imposé), POV (point de vue ou focalisation interne), cliffanger (fin à suspense) -, le contenu du texte – PWP (pas de scénario, juste la mise en place d'une scène érotique), fluff (guimauve), UA (univers alternatif).
On qualifie les personnages – OOC (personnage non conforme au canon), Mary-Sue (héroïne caricaturale) -, les couples – paring (couple), shipper (personne qui rejette tout autre couple que son couple fétiche), yaoï (romance gay), yuri (romance lesbienne) - et ce qu’ils font – lime (scène érotique suggérée), lemon (scène érotique explicite), mpreg (grossesse masculine).
Enfin, on a des appellations propres à des univers : HP (Harry Potter), JKR (J.K. Rowling), SDA (Seigneur des Anneaux).
Il est indispensable de très vite maîtriser ce langage pour faire son choix entre les textes proposés.
Pour tout savoir : Lexique des fanfictions