La fanfiction et les ayants-droits

Un homme en colère sur internet

Par George R.R. Martin
Traduit par Dauphin Noire

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NdT : Les intertitres ont été rajoutés pour plus de lisibilité

Posté 07 mai 2010

Qui est George R.R. Martin ?

George R R Martin est un auteur de Fantasy et science fiction contemporain, particulièrement connu en France pour sa série de Fantasy Le trône de Fer

Sa bibliographie complète

Son site internet officiel

Une interview qu'il donne sur ses livres (FR)

Sa fiche wikipedia

Un homme en colère

Le débat sur la fan fiction

Ma position sur ce qui est appelé “fan fiction” est très bien connue. Je suis contre, pour une variété de raisons que j’ai établi plus d’une fois précédemment. Je ne les répéterai pas ici.

Ma position n’est pas unique. Elle n’est pas universelle non plus, j’en suis conscient. Certains auteurs encouragent actuellement la fan fiction (j’en connais quelques-uns et j’ai entendu leurs arguments) ; d’autres ne semblent pas s’en formaliser d’une façon ou d’une autre (je connais plusieurs d’entre eux). Plusieurs auteurs ne savent même pas que ça existe, n’en connaissent pas le concept (en partie à cause du terme équivoque de fan fiction, sujet sur lequel je reviendrai ci-dessous), et n’accordent aucune importance au sujet. De fait, il y a un large choix d’opinions, même parmi les auteurs.

Beaucoup d’entre nous s’opposent à la fan fiction, je pense. Comme mon amie, Diana Gabaldon, auteure de la série best-seller Le Chardon et le Tartan et d’occasionnelles nouvelles que Gardner Dozois et moi avons eu le privilège de publier dans nos anthologies. Diana a récemment exposé ses sentiments sur la fan fiction- spécialement celles impliquant son propre univers et ses personnages - dans une série de billets sur son blog : http://voyagesoftheartemis.blogspot.com/ [Les billets en question ont été supprimés depuis, mais on peut le trouver le principal ici et en lire la traduction, ].

Suite au premier billet de Diana, tout bon sens a disparu. (Comme ça semble être le cas de plus en plus souvent sur cet “interweb”.) Il y a eu un millier de commentaires sur les deux premiers billets sur le sujet. [...]. Le débat devient très vite haineux, hélas, quand des centaines de...quel est le terme correct ici ? Fanficoeurs ? Fan fictionneurs ? Fans de fanfictions ? Défenseurs des fanfictions ? sont arrivés de partout sur Internet pour exprimer leur désaccord avec Diana. Un bon nombre d’entre eux ont commencé sur des variations de Je ne sais pas qui tu es et je n’ai jamais lu tes livres et je n’ai jamais visité ce blog avant, mais j’y suis venu spécialement pour te lapider.

Soupir.

J’ai une métaphore colorée en tête pour décrire ce que ça me rappelle, mais je ne l’utiliserai pas. Les métaphores semblent créer les pires étincelles d’atrocités ici. Les écrivains ont une prédilection naturelle pour les phrases colorées et les comparaisons frappantes, mais dans les discussions politiques - et ça c’est, à la base, une discussion politique - cela peut mener à l’hyperbole, cela peut mener à la colère.

Alors, laissez-moi essayer d’éviter tout ça et de ramener le calme.

Je ne vais pas répéter les arguments pour et contre la fan fiction. Si vous voulez les lire, allez sur le blog de Diana. Entre les hurlements et l’exagération et l’énonciation sans fin des trois ou quatre mêmes arguments par plusieurs centaines de personnes différentes, il y a actuellement quelques billets assez convaincants des deux côtés, énonçant le pour et le contre du problème.

Cependant, je voudrais dire certaines chose qui je pense n’ont pas été dites par quelqu’un d’autre (et oui, j’ai lu tous les milliers de commentaires, même si j’admets que j’en ai lus certains en diagonale car ils étaient tous du pareil au même).

Comme je disais, mes raisons pour m’opposer à la fan fiction ont été établies dans le passé. Elles sont plus ou moins les mêmes que celles citées par Diana Gabaldon et pratiquement les mêmes qui seraient données par n’importe quel auteur qui partagerait son point de vue sur la question. Alors je ne les répéterai pas ici. Mais je vais ajouter quelques pensées.

Glissement sémantique du terme 'Fan fiction'

L’une des choses que je n’aime pas à propos de la fanfiction, c’est le TERME. La vérité est que j’écrivais de la fan fiction moi-même. J’ai commencé en écrivant pour des fanzines de comics des débuts des années 1960 quand j’étais au collège. A cette époque, cependant, le terme ne voulait pas dire “fiction placée dans l’univers de quelqu’un d’autre et utilisant les personnages de quelqu’un d’autre”. Ça voulait simplement dire “histoires écrites par des fans pour des fans, des fictions amateures publiées dans des fanzines”.

Le fandom des comics en était à ses débuts et la plupart de ceux qui s’y sont essayés étaient jeunes… Certains d’entre eux ont fait l’erreur de publier des écrits de fan amateurs sur Batman ou les Quatre Fantastiques dans leurs fanzines. National (ce que nous appelions alors DC) et Marvel y ont mit fin assez rapidement.

D’autres n’étaient pas dans cet état d’esprit. Ce qui était mon cas. J’étais un fan, un amateur, écrivant des histoires sur ce que j’aimais comme le font les fan fictionners d’aujourd’hui… mais ça ne m’est jamais venu à l’esprit d’écrire à propos de JLA ou des Quatre Fantastiques ou de Spider-Man, autant ai-je pu les aimer. J’ai inventé mes propres personnages et j’ai écrit sur eux. Garizan, le Sorcier Mécanique. Manta Ray. The White Raider . Quand Howard Keltner, l’un des rédacteurs et éditeurs de Star-Studded Comics, le fanzine le plus influent de ces années, m’a invité à écrire à propos de deux de ses créations, Powerman et Dr. Weird, j’ai sauté sur l’occasion… mais seulement avec l’invitation expresse et la permission de Howard.

Donc, c’était ce genre de fan fiction que j’écrivais. Comment et quand le terme a commencé à être utilisé pour ce qui est appelé fan fiction aujourd’hui, je ne le sais pas. Je souhaiterais qu’il y ait un autre terme pour ça, même si je confesse que je ne peux pas en imaginer un qui ne soit ni embarrassant ni vague ni péjoratif. Mais ça continue à m’ennuyer que des gens entendent dire que j’ai écrit des fan fictions et puissent imaginer que j’ai pu écrire des histoires sur des personnages tirés du travail d’autres auteurs sans leur consentement.

Le consentement de l'auteur

Le consentement, pour moi, est le coeur de ce problème. Si un écrivain veut permettre ou même encourager les autres à utiliser son univers et ses personnages, tout va bien. C’est son affaire. Si un écrivain préfère ne pas le permettre… eh bien, je pense que son souhait devrait être respecté.

À mon avis, je pense que les écrivains qui permettent la fan fiction font une erreur. Je ne dis pas ici que les gens qui écrivent de la fanfiction sont méchants ou immoraux ou indignes de confiance. La grande majorité d’entre eux sont honnêtes, sincères et passionnés à propos de l’univers qu’ils ont choisi pour situer leurs fanfictions et ont seulement les meilleurs intentions envers l’auteur original. Mais :

  • (1) il y a toujours quelques-uns, dans tous les groupes, qui sont loin d’être merveilleux et
  • (2) cette porte, une fois ouverte, peut être très difficile à refermer.

Ceux qui écrivent de la science-fiction et de la Fantasy (exepté peut-être Diana Gabaldon, qui ne fait pas de SF et ignore peut-être le cas que je vais mentionner) ont reçu une leçon sur les dangers de permettre la fanfiction il y a quelques décennies, grâce à Marion Zimmer Bradley.

MZB a été une auteure qui, non seulement a permis d’écrire de la fanfiction basée sur sa série Ténébreuse, mais qui l’a activement encouragé en lisant et commentant les histoires de ses fans. Tout était bonheur et joie, jusqu’au jour où elle a rencontré dans une quelconque “fan fiction” une idée similaire à celle qu’elle était en train d’utiliser dans sa dernière nouvelle sur Ténébreuse. MZB a écrit à la fan, lui a expliqué la situation, lui a même offert un paiement et une mention d’elle dans le livre. La fan a répliqué qu’elle voulait être reconnue comme la véritable co-auteure du dit livre et qu’elle voulait toucher la moitié des droits d’auteurs faute de quoi elle intenterait un procès. MZB a immédiatement abandonné la nouvelle, plutôt que de risquer une poursuite. Elle a aussi arrêté d’encourager et de lire des fanfictions et a écrit un compte rendu de l’incident sur le SFWA FORUM pour avertir les autres auteurs du risque de se faire piéger de la même façon.

C’était il y a à peu près vingt ans mais cet épisode a eu un profond effet sur moi et, je le suspecte, sur plusieurs autres auteurs de SF et de Fantasy de ma génération.

Deux exemples frappants

D’accord, vous pouvez me répondre que cet incident est particulier. C’est vrai. Penchons-nous sur deux autres auteurs, alors. En leur temps, ils était connus par une série d’initiales : ERB et HPL.

ERB a créé Tarzan et John Carter of Mars. HPL a créé Cthulhu et ses Mythos. ERB, et plus tard sa succession, était extrêmement protecteur envers ses créations. Essayez d’utiliser Tarzan, ou même un homme singe étant suspicieusement similaire à Tarzan, sans sa/leurs permission et leurs avocats vous tomberont méchamment dessus telle une tonne de briques.

HPL était l’opposé complet. Le Cthulhu Mythos est rapidement devenu l’un des mondes les plus connus dans le genre. HPL encourageait des amis écrivains comme Robert Bloch et Clark Ashton Smith à emprunter des éléments de son Cuthulhu Mythos et même à’y ajouter des éléments que HPL lui-même emprunterait en retour. Puis d’autres auteurs qui n’étaient PAS amis avec HPL ont également commencé à écrire des histoires sur Cthylhu Mythos, lesquelles se poursuivent encore à ce jour.

Rien de choquant. Deux écrivains, deux décisions différentes.

Le fait est que ERB est mort multi-millionnaire, après avoir vécu dans un gigantesque ranch dans une ville qui fut nommée Tarzana d’après sa création. HPL vécut et mourut dans une pauvreté distinguée et certains biographes ont suggéré que les privations dues à sa pauvreté aurait peut-être accéléré sa mort. HPL est une figure particulièrement adorée, mais voilà où vous amènera l’adoration. Parfois, c’est bien d’être capable d’avoir un steak aussi.

La succession Burroughs a reçu de l’argent pour chaque film de Tarzan qui a été tourné et a récupéré beaucoup pour le film Princess of mars, sur lequel j’ai travaillé durant mes années à Hollywood, et il n’y a aucun doute qu’il en est de même pour celui qui est présentement en développement… bien que le livre soit du domaine public maintenant. Est-ce que la succession de Lovecraft a fait un sou sur les films The Dunwich Horror, Herbert West, Reanimator , sur le récent film Dagon, la version Internet de Call Of Cthulhu ? Je ne sais pas. J’en doute sérieusement. S’ils en ont fait, je parierais que c’était juste de la petite monnaie. Dans l’intervalle, d’autres écrivains ont récupéré les droits sur l’exploitation de Cthulhu Mythos et ont écrit de nouvelles histoires et des nouvelles.

Cthulhu, comme John Carter, est aujourd’hui du domaine public, je le sais. Mais ça ne change rien. Parce que HPL a laissé tant d’autres jouer dans son bac à sable, il a en quelque sorte perdu le contrôle de ses propres créations. C’est ce que je voulais dire par le (2) ci-dessus. La porte de la fanfiction, une fois ouverte, est difficile à refermer.

La protection de notre moyen de subsistance

Les créations d’un auteur sont ses moyens de survie. Ces droits d’auteurs sont ce qui, à la fin, sépare un ERB d’un HPL. Y a-t-il la moindre interrogation sur la raison pour laquelle la plupart des auteurs sont si protecteurs envers eux ?

Ceux d’entre nous, comme Diana Galabdon et moi-même, qui préfèrent ne pas permettre aux fanfictioneurs d’utiliser nos univers et nos personnages ne faisons pas ça juste pour le principe. Nous le faisons pour nous protéger, nous et nos créations.

De plus, nous AVONS à le faire. C’est quelque chose que personne n’a dit, dans les milliers de commentaires sur le blog de Diana. Il y en a eu beaucoup sur les droits d’auteurs, sur la question de savoir si la fanfiction était légale ou non, si c’était une application du Fair Use (en passant, ce n’en n’est PAS une, cela n’entre pas dans ma définition du terme et j’ai une certaine familiarité avec ce dernier du fait de ma propre expérience avec The Armagedon Rag), mais personne n’a mentionné l’un des aspects cruciaux de la loi des droits d’auteurs - les droits d’auteurs DOIVENT ÊTRE DÉFENDUS.

Si quelqu’un empiète sur vos droits d’auteurs et que vous êtes conscient de cette infraction et que vous ne défendez pas vos droits d’auteurs, la loi prend pour acquis que vous les avez abandonnés. Une fois que vous avez fait ça, n’importe qui peut faire ce que diable il veut de vos affaires. Si je laisse Peter, Paul et Nancy publier leur fanfiction du Trône de Fer et ne dis rien, alors je n’ai aucune raison de me lever quand Bill B. Hack et Ropoff Publishind décideront qu’ils veulent publier un roman sur le Trône de fer pour gagner des dollars. Peter, Paul et Nancy peuvent être les personnes les mieux attentionnées du monde, motivés seulement par leur amour pour mon univers et mes personnages, mais Bill B. Hack et Ripoff n’en n’ont que faire. Ils ne veulent que s’en mettre plein les fouilles.

Une fois que vous ouvrez cette porte, vous ne pouvez contrôler qui pourrait entrer.

Personne ne ferait ça, jamais, entends-je quelqu’un murmurer au loin. Oh, haha. L’histoire de la l’édition foumille de ces cas. Même les fameux et acharnés procéduriers de la succession de ERB en ont été victimes vers la fin des années 1960, quand quelqu’un a oublié de renouveler à temps les droits d’auteur sur le livre de Tarzan et qu’une compagnie de comics de bas étage l’a remarqué et a rapidement commencé une bande dessinée loin d’être autorisée de Tarzan (et sans payer pour).

La relation entre un auteur et les personnages qu'il a créé

Ce qui précède sont certaines des raisons pour lesquelles des auteurs comme moi ne permettent pas la fanfiction, mais avant que je termine, laissez-moi mettre de côté l’aspect légal et financier de tout ça pendant un moment et parler de choses plus personnelles. Ici, je pense, Diana Gabaldon a parfaitement enfoncé le clou dans le dernier de ses billets sur son blog à propos de ce sujet.

Et ici, elle et moi sommes complètement d’accord. Il y a plusieurs années, j’ai gagné un Nebula pour une histoire appelée “Portraits of His Children”, qui est à propos et de la relation qu’un auteur a avec les personnages qu’il crée. Je n’ai présentement aucun enfant moi-même (Diana en a). Mes personnages sont mes enfants, comme on me le dit parfois. Je ne veux pas que des gens partent avec eux, merci. Même ces gens qui disent qu’ils aiment mes enfants. Je suis certain que c’est vrai, je ne doute pas de la sincérité de cette affection, mais tout de même…

J’ai parfois permis à d’autres auteurs de jouer avec mes enfants. Dans Wild Cars, par exemple, lequel est un univers partagé. Hoodoo Mama, Popinjay, la Tortue et tous mes autres créations Wild Cars ont été écrites par d’autres auteurs et j’ai écrit sur leurs personnages. Mais je soutiens que ce n’est PAS la même chose du tout. Un monde partagé est un environnement parfaitement contrôlé. Dans le cas de Wild Cards, c’est contrôlé par moi. Je décide qui peut emprunter mes créations et je repasse sur leurs histoires et approuve ou désapprouve ce qui a été fait avec elles. "Non, Popinjay dirait ça comme ça", je dis, ou "Désolé, la Tortue ne ferait jamais ça", ou, plus important (ça n’est jamais arrivé avec Wild Cars, mais ça l’est avec d’autres univers partagés), "Non, pas question, ton personnage ne va pas violer mon personnage, je me fiche de savoir la merveilleuse scène que ça va faire."

Et ça c’est Wild Cards. Un univers et des personnages créés pour être partagés. Ce n’est pas du tout la même chose avec Le trône de fer. Personne ne maltraitera les gens de Westeros à part moi.

Conclusion

Bon...

J’ai parlé de ça plus longtemps que je ne l’aurais voulu, mais je pense que c’est quelque chose d’important. La "Fan fiction" - ou peu importe comment vous voulez appeler ça - existe depuis très longtemps, mais ça n’a jamais été comme maintenant. L’Internet a tout changé. Là où avant la fanfic pouvait être publiée dans d’obscures fanzines à une centaine d’exemplaires, maintenant des dizaines de milliers, peut-être des centaines de milliers de personnes, peuvent les lire… enfin, appelons les seulement "travaux dérivés non-autorisés". (exception fait du cas où l’auteur les a autorisés, ce qui serait, je suppose, des "travaux dérivés autorisés".) Plus que jamais, nous avons besoin quelques frontières ici.

Je rend hommage à Diana Gabaldon pour avoir ouvert le débat.

Et maintenant je me retire et j’attends l’attaque.

(Mais un mot d’avertissement. Je suis loin d’être une personne aussi gentille que Diana et mon compte LiveJournal est filtré et surveillé par mon assistant Ty. Diana était prête à tout laisser entrer dans sa section commentaire. Je ne le suis pas. C’est mon territoire, mes règles. Ne soyez pas d’accord si vous le voulez. Montrez vigoureusement votre désaccord. Débattez votre point de vue. Mais pas d’insultes, pas d’exagération, pas de menaces. Et aussi, vous pouvez m’épargner les billets disant “Je n’ai jamais lu un de vos livres, mais maintenant je ne le ferais pas et je vais dire à tous mes amis de ne pas le faire eux non plus". Si vous voulez seulement lire des livres écrits par des auteurs qui encouragent la fanfiction, allez-y, faites-le, il y a pleins d’excellents auteurs bien dans le lot. Pas besoin d’en faire état ici. Ne faites pas dérailler la discussion, s’il vous plait. Parlons du problème, pas du ton. J’aimerais voir quelques discours rationnels ici, merci.)

(Et oui, le titre de ce post est une référence au dessiné animé xkcd qui peut être vu ici: http://xkcd.com/386/)

(Ndt : Pour la version française, le titre est modifié pour référence à une série télé)

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Quelques mots de plus

Posté le 08 mai 2010

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Je viens seulement de verrouiller la section commentaire du billet précédent. Nous avons eu environ quatre cents commentaires depuis que le billet est sorti hier soir et cette affaire est sur le point de s’écrouler sous son propre poids. Je pense que tout ce qui pouvait être dit sur le sujet a été énoncé par une personne ou une autre et que maintenant nous commençons à tourner en rond.

De plus, avec ces nombreux commentaires, il est devenu évident que les derniers commentateurs n’ont pas lu ceux qui les ont précédés. On commence à me reposer toujours les mêmes questions : et le Suvudu (1), alors ? Et le livre de Vance ? Et le fan art ? Et les jeux de rôle ? Des questions qui ont toutes leur raison d’être, mais auxquelles j’ai déjà répondu en réponses aux commentaires précédents. J’ ai même répondu deux ou trois fois à certaines d’entre elles. Je ne vais pas y répondre une quatrième, cinquième, sixième ou douzième fois, désolé. Alors, si vous avez envoyé une question qui a déjà été posée et qui a eu sa réponse, votre commentaire sera probablement ignoré ou supprimé. (Oui, je sais c’est très enquiquinant d’avoir à lire quatre cents commentaires. Cependant, si j’ai dû le faire, alors vous aussi. C’est le prix à payer pour prendre part à cette discussion.)

Certains commentaires n’ont pas encore été validés. Il y en a eu beaucoup trop et à une telle cadence qu’on a du mal à surnager. Quelques-uns sont enterrés maintenant, surtout les commentaires à commentaires de commentaires. Ty ou moi en viendront finalement à bout, je l’espère, et tout sera soit validé soit supprimé.

Je veux remercier quatre-quinze pour cent des personnes qui ont pris le temps de commenter. J’apprécie vos réflexions et, plus encore, j’apprécie le calme relatif et le ton profond de cette discussion, laquelle n’a jamais dégénérée dans le genre d’horreur que j’ai vu (et que je vois encore) dans les commentaires sur le blog de Diana Gabaldon où la discussion a depuis longtemps déraillée. Je ne sais pas combien de pensées ont été échangées ici, mais j’ai bien l’impression que toutes les questions majeures ont été minutieusement exprimées et j’espère que ça a généré plus de lumière que d’échauffement.

Il y a quelques questions soulevées durant le débat que je voudrais creuser.

Nombreux commentateurs ont suggéré que je faisais une erreur en prétendant que les droits d’auteur ont besoin d’être défendus et ont suggéré que je les confondais avec les marques déposées. Peut-être bien. Cela a été soulevé tellement souvent que c’est bien évidemment un point que je dois creuser. Il y a aussi des commentateurs qui ont confirmé avec ce que j’avais écrit, dont certains qui se sont présentés comme des avocats ou des étudiants en droit, alors je pense pas que la question soit aussi limpide que ceux qui soutiennent que je parle de droit des marques l’ont affirmé. Je vais étudier la question et si je me suis effectivement trompé, je reviendrai le dire ici (ce n’est cependant une de mes premières priorités dans la vie). Si j’ai raison, je vous tiendrai également au courant.

ERB vs HPL.

Je n’ai jamais dis que de permettre aux autres de jouer avec Cthulhu mythos était la SEULE raison pour laquelle Lovecraft était mort dans la pauvreté. Présentement, je suis un grand fan de Lovecraft et pas un si grand fan de Burroughs (cependant Melinda Snodgrass et moi avons une fois travaillés sur un scénario pour A Princess Of Mars). J’en sais beaucoup à propos de HPL. Son oeuvre a eu une grande influence sur l’horreur moderne. Mais mon argument demeure. Je pourrais écrire une nouvelle de Cthulhu Mythos demain et je n’aurais à payer un sou à aucun des membre de la succession de Lovecraft (s’il en existe) ni à obtenir leur permission. Je n’oserais jamais écrire une nouvelle sur Barsoom, même si Princess est sûrement du domaine public maintenant. ( John Carter et Tarzan doivent encore être sous copyright).

Quelques personnes ont cité ou posté des liens montrant une autre interprétation de l’affaire Marion Zimmer Bradley, le point de vue de la fan impliquée. D’accord, il y a toujours deux manières de considérer une situation. Cela dit, vingt ans après les faits, c’est entièrement devenu la parole de l’une contre celle de l’autre. Cependant, la version que j’ai donnée n’est absolument pas une "légende urbaine" comme l’a qualifiée un commentateur. C’était la version donnée par Marion Zimmer Bradley elle-même dans le SFWA FORUM. C’est ce qu’elle a soutenu devant la communauté des écrivain. Si vous voulez croire qu’elle a menti, eh bien, c’est votre droit.

Voilà ce qui me trottait encore dans la tête. Maintenant, j’ai du boulot.

(1) : Suduvu : blog collaboratif dont le but est de rassembler des information et du contenu libre de droit sur la science fiction et la fantasy.

Traduit par Dauphin Noire

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Et quelques derniers mots

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Posté le 08 mai 2010

Et encore une chose...

Tout ce débat sur la fanfiction, ici et sur le blog de Diana Gabaldon et le blog de Charlie Stross et dix ou vingt ou cent autres endroits sur Internet, a généré (j'espère) une certaine quantité de lumière et (je sais) beaucoup d'échauffement.

Pourquoi donc? Je me demande. Pourquoi les deux parties sont-elles si passionnées à propos de cette question ?

On a beaucoup parlé du droit d'auteur, de la marque, de la contrefaçon et de l'utilisation équitable et de qui a le droit de gagner de l'argent avec quoi, et tout cela est très bien, des choses précieuses, qui valent la peine d'être discutées et débattues... mais les fanfictioners n'arrêtent pas de dire que c'est tout d'amour, jamais d'argent, et en réfléchissant à cela, je pense qu'ils ont raison.

Tout est question d'amour.

Des les deux côtés.

Oublions ici toutes les questions juridiques et financières. Nous en avons discuté jusqu'à la mort. Parlons juste des émotions.

Voici la chose. Je pense que les fans de fiction écrivent sur certains personnages parce qu'ils les aiment. Et je pense que les écrivains qui s'opposent à ce que leurs personnages soient écrits le font parce qu'ils les aiment aussi. Ce qui nous ramène au « mes personnages sont mes enfants », qui peut être central.

Maintenant, tous les écrivains ne ressentent pas cela, certainement. Certains diront : "Faites ce que vous voulez avec mes personnages, je m'en fiche, tant que vous n'empiétez pas sur ma capacité à gagner ma vie. Si vous commencez à baiser avec mon flux de revenus, je vais fermer vous vers le bas. Sinon, amusez-vous. " Ce qui est bien, si vous partagez ce point de vue. Mais tu sais, je ne sais pas. Je ne dirai jamais une chose pareille. Je me soucie de ce que vous faites avec mes personnages.

La fiction est la fiction. Tout est inventé. Rêves et visions en mots sur papier. Tout écrivain qui n'est pas fou le sait. Chaque lecteur aussi. Mais cependant...

Quand j'étais enfant dans les années 50, je lisais beaucoup de bandes dessinées, y compris des livres de Superman -- SUPERMAN, ACTION, LOIS LANE, JIMMY OLSEN. À cette époque, ces bandes dessinées publiaient occasionnellement ce qu'elles appelaient des "histoires imaginaires". Même enfant, je savais que c'était un nom stupide. Je veux dire, TOUTES les histoires étaient imaginaires, n'est-ce pas ? Aujourd'hui, nous les appellerions des histoires "What If" ou des histoires "Alternate Universe". C'étaient des histoires en dehors de la continuité habituelle de Superman. "Et si Krypton n'explosait jamais" et "Et si Superman et Lois se mariaient", des trucs comme ça. Certaines d'entre elles étaient de très bonnes histoires. Il s'est passé beaucoup de choses en eux – plus que jamais dans les "vraies" histoires de Superman des années 50. Même ainsi, ils ne m'ont jamais complètement engagé. Parce qu'ils n'étaient pas RÉELS.

Bien sûr, Superman lui-même n'était pas réel. Aucune des histoires n'était réelle. Je le savais, même quand j'avais huit ans. Mais il y a un contrat entre le lecteur et l'écrivain. Je vous raconte une histoire, en essayant de la rendre aussi réelle que possible. Et vous, le lecteur, pendant que vous lisez l'histoire, vous allez prétendre que ces personnes sont réelles, que les événements de l'histoire leur sont réellement arrivés. Sans ce prétexte, pourquoi vous en soucieriez-vous ?

(Une fois, lors d'une conférence de Milford il y a plusieurs décennies, j'ai eu une discussion longue et animée avec deux écrivains de la Nouvelle Vague qui ont avancé la proposition que puisque la fiction n'est pas réelle, elle ne devrait pas prétendre être réelle, que la bonne fiction est tout au sujet les mots, que les histoires devraient célébrer leur "papeterie" de la même manière que l'art abstrait célèbre sa bidimensionnalité, par opposition aux styles de peinture antérieurs qui essayaient de créer l'illusion des trois dimensions. C'est peut-être pour cela que je n'ai jamais aimé l'art abstrait. Je n'aime certainement pas les histoires qui célèbrent leur paperasse. Je veux l'illusion. Je veux que les histoires et les personnages soient aussi réels que possible, au moins pendant le temps qu'il me faut pour les lire. Et peut-être aussi après ).

Les histoires imaginaires étaient intellectuellement intéressantes, comme des histoires « et si », mais elles ne m'ont jamais engagé sur le plan émotionnel. Je savais, en les lisant, que rien en eux n'avait vraiment d'importance. Si Superman ou l'un de ses amis mourait, eh bien, ce n'était pas grave. Ils seraient de retour au prochain numéro, inchangés. D'un autre côté, quelques années plus tard, lorsque Gwen Stacy est décédée, j'étais presque aussi dévasté que Peter Parker. Gwen Stacy était réelle pour moi.

(Ce qui est aussi, soit dit en passant, la raison pour laquelle je déteste détester détester la reconnexion qui est devenue si courante dans les bandes dessinées et les films d'aujourd'hui. Cela me semble être une rupture de ce contrat non écrit entre l'écrivain et le lecteur. Vous avez dit moi que Peter Parker a épousé Mary Jane, tu m'as fait lire une décennie d'histoires où ils étaient mari et femme, tu n'as jamais dit que c'étaient des histoires imaginaires, tu as prétendu que c'était ce qui arrivait vraiment à Spidey dans sa vraie vie... et maintenant vous vous retournez et dites-moi, non, non seulement ils ne sont pas mariés, ils n'ont JAMAIS été mariés, rien de tout cela ne s'est réellement produit, nyah nyah nyah, mais continuez à acheter notre bande dessinée, maintenant nous allons vous dire ce qui s'est vraiment passé arriver. Désolé, non. Frappez les Who, je ne me ferais plus berner. Je dis que c'est des épinards et je dis au diable avec ça).

En tant que lecteur (livres, bandes dessinées, peu importe) et spectateur (télévision, film), je veux des personnages auxquels je peux m'intéresser, m'engager, y croire. Si je ne les trouve pas dans le travail, je vais très vite m'en désintéresser. Si je les trouve, cependant... eh bien, même si je sais que de telles créations ne sont que des fictions, je commencerai néanmoins à m'en soucier très profondément.

Par exemple, je n'ai jamais vu le troisième film d'ALIENS. J'adorais ALIEN et ALIENS, mais quand j'ai lu les premières critiques d'ALIENS 3, et que j'ai appris que le nouveau film allait s'ouvrir en tuant Newt et... comment s'appelait-il, le personnage de Michael Biehn ?... eh bien, j'ai était putain d'indigné. Je ne suis jamais allé au film parce que je ne voulais pas cette merde dans ma tête. J'en étais venu à aimer Newt dans le film précédent, tout le putain de film parlait de Ripley la sauvant, la fin était profondément satisfaisante … et maintenant un connard allait venir et pisser dessus juste pour être choquant. Je n'ai jamais vu non plus les films Aliens qui ont suivi, car ils font tous partie d'une "réalité" fictive que je refuse d'embrasser. Pas même le film avec Ron Perlman dedans, et Ron est à la fois un ami et un acteur que j'admire beaucoup.

Le truc, c'est que ça n'a pas marché. Bien que j'aie évité de voir les films, les critiques que j'ai lues ont quand même empoisonné le puits. J'en sais trop sur ce qui se passe dans ALIENS 3. Je sais que Newt meurt. Et juste ce peu de connaissances a sérieusement limité ma capacité à apprécier ALIENS lui-même. C'est toujours un beau film passionnant, mais maintenant, quand j'arrive à la fin, quand Newt monte dans le tube et demande à Ripley si elle va rêver, au lieu du frisson de satisfaction émotionnelle que j'avais l'habitude d'avoir, la petite larme à du coin de l'œil, je me souviens, "Putain, Newt a un extraterrestre en elle, elle va mourir", et je m'énerve à nouveau.

Partout un personnage qui n'existe pas, n'a jamais existé. Je sais que. Cela ne rend pas les sentiments moins forts.

Et si je peux ressentir cela à propos de personnages créés par d'autres personnes, pouvez-vous imaginer à quel point je ressens fortement mes propres personnages ?

C'est pourquoi je les compare à mes enfants. Je peux me soucier de Newt et Gwen Stacy et Frodon et Capitaine Achab et Gatsby le Magnifique et ainsi de suite … mais je me soucie de la Tortue et Abner Marsh et Tyrion Lannister et Jon Snow et Haviland Tuf et Daenerys et mes propres gars un millier fois plus. Ce sont mes fils et mes filles.

Il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup de gens comme moi, je pense. Et c'est cela qui explique la véhémence émotionnelle de ces débats sur la fan fiction, de part et d'autre.

Les fanfictionneurs tombent amoureux d'un ou de plusieurs personnages et veulent que les choses sortent bien pour eux... ou sortent comme ils veulent que les choses sortent. Je sais qu'une grande partie de l'ancienne fanfic LA BELLE ET LA BÊTE était basée sur le fait que Catherine et Vincent consommaient leur relation et vivaient heureux pour toujours, avec des aventures occasionnelles. Il y en avait certainement une tonne basée sur l'effacement de toute notre troisième saison; de nombreux fans de B&B ressentent la mort de Catherine aussi fortement que je ressens celle de Newt. Ils veulent le défaire. Je soupçonnerais fortement que là-bas quelque part il doit y avoir une fanfic ALIENS où Newt ne meurt PAS horriblement aussi. C'est l'amour des personnages qui pousse les gens à écrire ces choses. Merde, si jamais j'étais engagé pour écrire un nouveau film d'ALIENS, la première chose que je ferais serait de dire : "Hé, tu te souviens comment à la fin d'ALIENS, Newt demande si elle va rêver ? Eh bien, elle le fera. Tous les films à partir de ce moment n'ont été que ses mauvais rêves. Nous allons ouvrir mon nouveau film avec Newt et Ripley qui se réveillent..." Ce qui serait une sorte de reconnexion, je sais, que je viens de dénoncer. Alors portez-moi un procès. La cohérence est le hobgobelin des petits esprits. Ce serait aussi la fanfic la plus chère de l'histoire, je suppose. Dommage que je n'aurai jamais l'occasion.

Mais renversons-le et regardons les choses du point de vue de l'écrivain. Autant les fans peuvent aimer nos personnages, autant nous les aimons davantage. Et soudain, nous sommes confrontés à des histoires dans lesquelles d'autres personnes font toutes sortes de choses avec nos enfants... des choses que nous n'avons jamais envisagées, jamais autorisées, et que nous pouvons même trouver stupides et/ou répugnantes. Les personnages que nous avons tués reviennent à la vie. Les personnages vivants sont tués. Les méchants sont rachetés. Les personnages hétéros deviennent homosexuels. Roméo et Juliette ne se suicident pas, ils survivent et vivent heureux pour toujours et ont dix-sept enfants.

Bien sûr, nous pourrions hausser les épaules et dire : "Aucune de ces choses ne s'est réellement produite. Ces histoires ne sont pas canoniques. Ce ne sont que des histoires imaginaires. Elles ne sont pas RÉELLES." Et je suis sûr que beaucoup d'écrivains le font. Mais je ne peux pas. Tous les aspects juridiques et financiers mis à part, je ne veux pas lire votre fanfic où Gatsby et Daisy s'enfuient ensemble, et je ne veux certainement pas lire celles où Gatsby s'enfuit avec Tom Buchanan, ou les deux et Daisy avoir un trio, ou Gatsby viole et assassine Daisy... et je suis presque sûr que F. Scott Fitzgerald ne voudrait pas non plus les lire. Maintenant, branchez Jon Snow et Jay Ackroyd et Haviland Tuf et Daenerys Targaryen, ou n'importe lequel de mes personnages, pour Gatsby et Daisy et Tom, et je suis presque sûr que vous pouvez comprendre ma réaction.

C'est comme avec Newt. Je ne veux pas ces images dans ma tête. Même si ce sont de belles images, si vous aimez mes personnages et ne leur faites que des choses gentilles, douces et heureuses. Tu es toujours en train de déconner avec mon peuple. Je n'utiliserai aucune analogie ici, je sais à quel point cela dérange les gens... mais il y a un sentiment de violation.

Ce n'est peut-être pas rationnel. Ce ne sont que des gens inventés. Des mots sur papier. Qui se soucie de ce qui leur arrive ? Célébrons tous leur paperasse.

Mais je ne suis pas câblé de cette façon. Et je suppose que Diana Gabaldon non plus.

Cela n'a rien à voir avec l'argent, le droit d'auteur ou la loi. C'est une réaction émotionnelle au niveau de l'intestin. Et tout est question d'amour. Des deux côtés.

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Dernière modification de la page : 16/12/2022