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Nouveaux auteurs, nouveaux lecteurs
Les fanfictions
Un renouvellement du statut d'auteur et des habitudes de lecture

Par Solène Boulay, Guillaume Maroquène et Candice Roger
Master 1 Information et Communication
Spécialisation Métiers du Livre, mention Édition

Introduction

Les fanfictions font aujourd’hui partie de la culture des jeunes. Ancrées dans un schéma pluri-médiatique elles trouvent leur place dans une large convergence de pratiques liées au divertissement. Les fanfictions sont un élément à part entière des centres d’intérêt des jeunes, elles empruntent par leurs sujets (jeux vidéos, mangas, séries TV, Cinéma…), leurs supports (nouvelles technologies de l’information et de la communication : Internet, téléphone portable…) et leurs enjeux (l’échange et la recherche de sociabilité) un mode d’expression numérique et culturel nouveau qui fédère toute une communauté de centaines de milliers de jeunes.

Ce dossier a pour but de démontrer que le phénomène de fanfiction est un nouveau mode d’expression qui tire son essor d’Internet et qu’il est important d’en capter les enjeux afin de pouvoir cerner au mieux les nouvelles pratiques de lecture engendrées par le numérique.

Les fanfictions
Un renouvellement du statut d'auteur et des habitudes de lecture

Qu’est-ce que la fanfiction ?

Les fanfictions sont des histoires écrites par des fans d’un roman, d’une série télévisée, d’un film… qui prolongent l’œuvre, la modifient, la croisent avec d’autres œuvres ou d’autres genres. En d’autres termes, le fan se réapproprie les personnages et l’histoire d’une œuvre et la livre à son imagination. Dans une fanfiction, on peut donc voir Harry Potter se battre contre Aragorn du Seigneur des Anneaux ou faire mourir Bella de Twilight avant qu’Edward ne la transforme en vampire et ne puisse ainsi faire un happy-end telle que l’œuvre première est construite. À la frontière du Web, du jeu vidéo, du roman, du manga, de la BD et du cinéma, on assiste avec le support numérique à une véritable sphère expérimentale qui est susceptible de devenir une passerelle à des ateliers d’écriture ou susciter des vocations pour l’écrit, voire, inspirer la sphère culturelle elle-même.

Origines de la fanfiction

Mais la fanfiction est loin d’être un phénomène nouveau, c’est même quelque chose auquel chacun a dû s’adonner au cours des siècles tant les matériaux nécessaires pour produire une fanfiction sont minces : un matériau scénaristique de base et sa propre imagination.

Historiquement, il faut donc remonter au XIXe siècle pour voir le premier événement « fanfictionnel » influer profondément la vie littéraire de l’époque. En effet, lorsque Conan Doyle décida de tuer son héros Sherlock Holmes, figure littéraire extrêmement populaire à l’époque, il déclencha l’ire de milliers de fans du détective imaginaire qui, en plus de réclamer sa résurrection, n’attendirent pas que Conan Doyle sorte Sherlock Holmes de sa tombe pour le faire eux-mêmes et envoyer leurs fanfictions à l’auteur. Et c’est touché par l’amour pour leur héros favori et leur imagination débordante que Conan Doyle fit finalement ressusciter Sherlock Holmes.

Il existe d’autres exemples tels que celui-ci dans la sphère littéraire. L’écrivain Henri Jerkins, spécialiste des communautés de fans (couramment appelé les « fandoms », fusion de « fan » et de « kingdom », littéralement « royaume des fans »), fixe l’origine des fanfictions à partir de la série télévisée Star Trek, dont l’arrêt a conduit les fans à rédiger des suites publiées dans des fanzines (contraction de « fan » et de « magazines »).

De nos jours, il s’élabore autour de films, mangas, romans, séries TV, tout un circuit de fans qui réécrivent pour combler les manques de l’histoire, élaborent des hypothèses… Internet a depuis peu permis à une vraie communauté de « fanfictionneurs » de se créer et d’élargir considérablement leur lectorat.

Ecriture créative

Afin de compléter au mieux cette description de la fanfiction il est utile de préciser plus en détail les notions de « fan » et « écriture créative ».

Les fans s’apparentent le plus souvent à une communauté d’admirateurs qui vivent un rapport profond avec le produit culturel qu’ils affectionnent. Ce rapport peut aussi être cultivé au sens où les fans peuvent faire quelque chose de ce produit culturel en faisant converger divers supports tels que les livres, les jeux vidéos, les séries télévisées, le cinéma. Cet exemple s’applique particulièrement pour le fan de mondes imaginaires et fantastiques. Concernant l’écriture créative, celle-ci opère, dans le cadre de la fanfiction, un décloisonnement dont la France ne bénéficie pas encore en matière d’écriture. En effet, en France l’écriture est considérée comme une affaire sérieuse, les écrivains seuls font de la littérature ; durant la scolarité, on peut pratiquer « l’écriture d’invention », pour le reste on en revient à la pratique amateur que l’on exerce chez soi. Cela dit, il existe depuis quelques années des ateliers d’écritures encadrés par de vrais écrivains, c’est une activité très pratiquée aux Etats-Unis et de grands écrivains, tel que John Irving, encadrent ces cours ou certains auteurs de fanfictions sont engagés pour travailler en tant que scénaristes de séries TV.

Les règles du jeu des fanfictions

La fanfiction part du simple concept affirmant que tous les créateurs de fiction ont des modèles et sont en premier lieu des lecteurs ou des spectateurs avant d’être des inventeurs. Elle opère à notre époque moderne comme une alternative au journal intime, un moyen de projeter son imagination plus facilement en appliquant ses envies, fantasmes à la trame originelle. De par son étroite similarité avec le mode du journal intime, la fanfiction est un genre presque exclusivement privilégié par les adolescentes dont les intérêts culturels sont variés et portent sur une multitude de supports.

Ainsi, il n’est donc pas rare que l’auteur d’une fanfiction sur l’univers d’Harry Potter crée une autre fanfiction sur l’univers du manga shôjo Marmalade Boy ainsi qu’une troisième prolongeant l’univers de Buffy contre les vampires.

Voir son œuvre livrée à l’imagination de tout fan peut-être relativement traumatisant pour un auteur qui peut y voir sa propre création livrée en pâture à un public avide d’en fouiller et modifier les moindres recoins. Certains auteurs se sont longtemps opposés aux fanfictions avant de finir par faire des concessions et de les accepter moyennant certaines règles.

Les fanfictions sont catégorisées selon plusieurs particularités. Tout d’abord nous allons parler des univers, et ensuite du texte en lui-même et de sa forme.

Les univers

Les univers sont ce à quoi s’identifie directement l’auteur de fanfiction. Une fois le clavier devant lui, celui-ci peut modifier le contenu des œuvres qui l’ont inspiré.

Le cross-over
C'est le fait de mêler plusieurs univers fictionnel (ex : Harry Potter rencontre Le Seigneur des Anneaux)
L’univers alternatif
Fait évoluer des personnages connus dans un univers qui n’est pas le leur (Harry Potter au Moyen Age)
La deathfic
Qui fait mourir le personnage principal
La songfic
Se caractérise par l’écriture au rythme d’une chanson
Le préquelle
Qui raconte ce qui s’est déroulé avant l’histoire originale (il existe de nombreuses fanfictions sur les parents d’Harry Potter)
La déviation
Imaginer ce qui se serait passé si un événement ne s’était pas produit…

Le texte

Le texte peut prendre certaines formes spécifiques :

le one shot
est un court récit qui ne connaîtra pas de suite
Le self insert
Permet à l’auteur de se mettre en scène
le pairing
de créer des couples qu’on aimerait voir se former au cours de l’histoire
le slash
met à jour des relations homosexuelles entre les personnages (par exemple dans les séries Star Trek ou Xena princesse guerrière), etc.

Il s’agit alors d’une personnalisation poussée de leur héros préférés. Les fanfictions ne sont pas seulement une « pratique dégradée du champ littéraire établi », ils sont aussi un mode d’expression de soi, de construction d’une identité dans l’interaction avec des lecteurs. Le genre fanfiction peut alors se définir comme un texte en interaction direct avec son lectorat.

Le rapport œuvre-fan

Le succès sans cesse croissant des fanfictions montre clairement un phénomène de réappropriation de l’œuvre par les fans. À la base, l’auteur, le scénariste, le producteur, crée une œuvre qu’il diffuse à un public dont jusqu’à présent l’interaction était relativement faible : si le public aime, il consomme, sinon il ne consomme pas ce qui lui est proposé.

Un rapport plus étroit

Or, la fanfiction échappe à la règle du marché puisque les fans d’une œuvre ont la possibilité de s’approprier l’œuvre première et de la modifier à leur guise.

Les fanfictions engendrent donc un rapport plus proche entre les fans et les œuvres qui considèrent ces mêmes réalisations comme des ressources pour stimuler leurs propres imaginations. Cela amène souvent les fans à porter sur les feuilletons et les scénarios des regards de curieux et de critiques, l’œil du fan devient donc davantage créatif et s’éloigne de la simple action consumériste.

Un rôle plus actif

En réalité l’appropriation de l’œuvre par les fans est un phénomène actif, c’est une manière de prolonger l’univers fictionnel. Souvent, en premier lieu, les fans relisent ou révisent les œuvres plusieurs fois, ils se repassent en boucle leurs passages favoris ; mais vient un moment où cela ne suffit plus, l’univers s’arrête aux frontières du livre qui se referme, au « The End » du film ou du dernier épisode de l’ultime saison de la série télévisée.

C’est ici qu’intervient Internet qui permet aujourd’hui aux fans d’une œuvre de se retrouver, de communiquer sur leur passion commune et d’échanger leurs points de vue par le biais de forums et de sites spécialisés, de blogs… Les fans en viennent donc à connaître leur œuvre de prédilection sous toutes les coutures, cherchant sans cesse des ramifications à cet univers fictionnel qu’ils ne veulent pas quitter, c’est pour cela que les auteurs de romans comme la saga pour jeunes filles Twilight de Stephenie Meyer sont extrêmement connus des fans qui s’intéressent de très près à leur vie, à leur manière d’écrire, à leurs autres œuvres s’il y en a…

Le cas Twilight

Pour le cas de Twilight, le phénomène de fanfiction a largement été influencé par le fait que l’auteur avait promis un énième tome dans l’univers d’Edward et Bella. L’histoire devait se répéter encore mais cette fois, du point de vue d’Edward. Mais l’auteur s’est par la suite ravisée et le livre n’est donc toujours pas sorti, ce qui a déclenché l’impatience de nombreux fans (Twilight est une série destinée uniquement à un public de jeunes filles) qui ont démarré pour la plupart leurs propres fanfictions en reprenant ce principe de départ.

Internet, espace de partage

Par divers « bricolages », selon le principe de Michel de Certeau, les fans cherchent à prolonger et surtout partager leurs expériences de lecture. Internet offre aujourd’hui l’espace nécessaire à ce type d’expression.

Un mot sur l’univers dans la fanfiction

Emprunt aux littératures de l'imaginaire

Il est intéressant de noter que l’univers fanfictionnel emprunte quasi-exclusivement à un genre qui est celui des littératures de l’imaginaire. Si l’on y réfléchit cela paraît logique : la fantasy est le genre le plus ancien, l’introduction de phénomènes magiques ou merveilleux dans un univers donné existe depuis les contes oraux que les tribus primitives de la préhistoire se transmettaient. Le fantastique, quant à lui, a toujours été présent avec, pour exemple, les diverses affaires des sorcières de Salem au XVIIIe siècle. La science-fiction, enfin, constitue une projection vers le futur.

Ces trois sous-genres de l’imaginaire ont la particularité de pouvoir créer entièrement des mondes débarrassés de toute réalité, cette même réalité que la majorité des adolescents rejettent, déçus par ses perspectives et possibilités trop limitées. Les genres de l’imaginaire puisent donc leur force d’attraction de leur capacité à se démarquer complètement d’une réalité jugée trop morne.

Le renouveau de l'imaginaire

Un deuxième point serait de dire que « l’imaginaire autorise l’imagination », ces genres trop souvent délaissés et injustement dévalorisés par rapport à la « vraie littérature » sont souvent restés sans publics réels hormis certains petits groupes de fans. Or, depuis, certaines idées et œuvres ont fait leur chemin, et le succès de saga comme le premier film d’Harry Potter de Chris Colombus en 2001 ou le début de la trilogie du Seigneur des Anneaux de Peter Jackson ont permis à toute une génération de découvrir un genre pas encore approprié par un public spécifique, ce qui a permis l’appropriation des genres de l’imaginaire qui se coulent d’années en années dans la culture adolescente et des jeunes adultes (la dernière enquête de Livres Hebdo sur les pratiques de lecture des 18-30 montrait que l’imaginaire était, et de loin, le genre préféré des jeunes français).

Les auteurs de fanfiction

Auteur de fanfiction : un statut particulier

Age et sexe

Les auteurs sont situés dans une classe d’âge bien définie mais aussi sexuée. Plusieurs études, menées notamment par Sébastien François, professeur agrégé de sciences économiques et sociales, et Hélène Sagnet, directrice de Lecture Jeunesse et de la rédaction de la revue Lecture Jeune, mettent un visage sur ces cyber-auteurs dont l’anonymat est préservé par un pseudo et l’écran d’ordinateur.

Les auteurs de fanfictions sont en premier lieu jeunes avec un goût prononcé pour la lecture et la télévision. Sébastien François dans son étude sur les « potterfictions » note un âge moyen de 18,7 ans, de 13 à 29 ans, et à quatre exceptions près, il s’agit de filles. La pratique est « genrée » ; il s’agit donc une pratique d’écriture féminine.

Une pratique qui date des années 60

Cette pratique n’est pas nouvelle : ce concept d’inspiration puis d’écriture sur ses héros rappelle les fanzines nés dans les années 60 et 70 aux Etats-Unis. Le support Internet a renouvelé son impact.

Les auteurs s’inspirent donc des séries télé (Star Trek, Dark Angel, Buffy contre les vampires…) mais aussi des livres dont ils imaginent la suite ou bien mettent le texte dans une perspective se voulant nouvelle (narrateur différent, lieu autre, dénouement selon son opinion…) : l’auteur écrit selon son plaisir et la vision personnelle de sa lecture qu’il souhaite donner. Toutefois peut-on vraiment parler d’« auteur » ?

Fanfiction et le droit

Son statut n’est pas clairement défini et même décrié par certains auteurs. Robin Hobb, auteur de livres fantasy, refuse que l’on puisse donner ce statut car selon elle « les fanfictions permettent à celui qui écrit de faire comme s’il créait une histoire, tout en utilisant le monde, les personnages et l’intrigue de quelqu’un d’autre… Le premier pas pour devenir un écrivain est d’avoir sa propre idée. Pas de prendre celle d’un autre, mettre sa patte, et prétendre que tout est de vous ».

Plusieurs lois régissent la publication de fanfictions, qui sont directement liées au droit d’auteur et au copyright. Aux Etats-Unis par exemple, de nombreuses attaques juridiques de la part des studios et des écrivains ont été lancées. Au point qu’une association a été créée, l’Organization for Transformative Works (OTW), dirigée par des auteurs de fanfiction, fan- vidéo et fan-art (dont l’écrivain Naomi Novik) qui ont plaidé en faveur de la nature transformative de la fanfiction, et donc, de sa légitimité. Ils détiennent un copyright et par ce droit, souhaitent être reconnus comme écrivain à part entière.

le fair Use

Le fair use est un ensemble de règles de droit, d'origine législative et jurisprudentielle, qui apportent des limitations et des exceptions aux droits exclusifs de l'auteur sur son œuvre (droit d'auteur). Il essaie de prendre en compte à la fois les intérêts des bénéficiaires des droits d'auteur et l'intérêt public, pour la distribution de travaux créatifs, en autorisant certains usages qui seraient, autrement, considérés comme illégaux. Cette règle est considérée comme celle qui régit les attaques.

L'originalité du fair use par rapport aux doctrines comparables est l'absence de limites précises aux droits ouverts : alors que les autres pays définissent assez précisément ce qui est autorisé, le droit des États-Unis donne seulement des critères (factors) que les tribunaux doivent apprécier et pondérer pour décider si un usage est effectivement loyal. Par conséquent, le fair use tend à couvrir plus d'usages que n'en autorisent les autres systèmes, mais au prix d'un plus grand risque juridique.

Fanfiction et auteurs originaux

Une liste d’écrivains hostiles à l’écriture de fanfiction existe ; ils demandent à ce que les fanfictions basées sur leurs travaux ne soient pas mises en ligne. Cette volonté est respectée par les directeurs des sites, tel que Fanfiction.net, qui suppriment toute fanfiction utilisant les caractéristiques d’un livres d’un des auteurs de la liste.

Il faut dire que laisser des fans publier des fanfictions sur son oeuvre n'est pas sans risque. En effet, une 'fan' de Marion Zimmer Bradley l'a accusée de lui avoir volé son idée et l'a menacée de l'attaquer en justice. Son éditeur a préféré retirer le livre incriminée de la vente pour éviter le procès. Il est fréquent que les scénaristes engagés pour une série télévisée ou un film reçoivent l’ordre strict de ne pas lire de fanfictions, de peur que cela conduise le détenteur du copyright à être par la suite poursuivi en justice pour des problèmes de droits d’auteur.

Toutefois, en prenant l’aspect pécuniaire de la démarche, on s’aperçoit vite que les auteurs de fanfiction ne tirent aucun bénéfice de leur publication sur Internet et fonctionnent au contraire souvent comme une publicité gratuite. Cet argument est mis en avant lors d’attaques judicaires, limite les dommages qu’un tribunal pourrait trouver et renforce la défense possible en faveur de l’usage acceptable du copyright.

Sur chaque fanfiction, un disclaimer indique que l’auteur reconnaît que l’univers et les personnages ne sont pas sa propriété ; il est donc prudent de montrer son honnêteté.

Malgré tout, tous les auteurs ne sont pas défavorables à l’existence de fanfiction. Certains établissent même des règles, comme l’écrivain Anne McCaffrey, pour ceux qui souhaiteraient écrire sur ses livres. J.K. Rowling a mentionné sa sympathie pour la fanfiction, et ses avocats l’ont confirmé.

La plupart des grands studios et compagnies de productions tolèrent la fanfiction, et certains l’encouragent même dans une certaine mesure. Paramount Pictures, par exemple, a autorisé la sortie de Star Trek : The New Voyages et Star Trek : The New Voyages 2 chez Bantam Books, des anthologies de fanfictions qui suivent le Star Trek Lives ! de Bantam en rééditant des histoires issues de divers fanzines. FanLib, un « réseau social », a co-sponsorisé un concours d’écriture en ligne avec Showtime (chaîne de télévision américaine) et HarperCollins (maison d’édition de livre papier).

Le statut de l’auteur de fanfiction est donc complexe et sa nature est souvent synonyme de polémique. On ne sait pas vraiment s’il faut traiter ces écrits comme un genre littéraire ou comme un hobby amusant.

Une plus grande communication entre auteurs et lecteurs

Interractions entre les auteurs de fanfiction et leur public

Les enjeux d’une publication en ligne diffèrent de celle papier. Plusieurs aspects la singularisent et font que ces publications n’ont pas les mêmes intérêts que celle papier. Tout d’abord il faut comprendre que l’écriture en ligne permet un échange direct entre auteur et lecteur. C’est envisager un rapport intéressant aux œuvres et aux héros : ils n’appartiennent pas qu’à leurs concepteurs, mais aussi à leur public, qui les considère comme des ressources pour stimuler leur propre imagination. Cela amène à porter sur les feuilletons et scénarios un regard de curieux et de critique, un regard plus créatif qu’uniquement consumériste.

Les fanfictions constituent une modalité d’appropriation active d’une œuvre par son lectorat. Il s’agit de prolonger une expérience de lecture, de continuer à vivre aux côtés d’une œuvre et de ses personnages grâce à l’écriture, d’explorer et de transformer la matière littéraire offerte par l’auteur du livre original. La créativité et l’imagination sont sollicitées, ainsi que des capacités d’analyse et d’enquête autour de l’œuvre.

L’auteur cherche l’interaction avec son lectorat : « Voilà mon premier chapitre, dites-moi ce que vous en pensez ». Les lecteurs « postent » des commentaires (des reviews) pouvant modifier le cours d’une histoire. Ces reviews montrent que l’auteur est suivi, il peut parfois nouer des liens avec plusieurs reviewers, dont certains sont eux-mêmes auteurs de fanfictions. Ces dialogues sont souvent des conseils et des encouragements, motivant l’auteur à continuer d’écrire les chapitres. Le jeune auteur peut trouver des conseils d’écriture sur les forums du site, auprès des « bétalecteurs » (les relecteurs du texte). Les reviewers-auteurs peuvent aussi sur leur fiche, conseiller aux internautes d’aller lire la fanfiction d’un autre : une communauté est créée.

Cette mise en mots de l’expérience de lecture renforce l’appropriation du roman : « Je ne sais pas si c’est important d’être lu, témoigne Bérénice. C’est plutôt d’avoir des avis… Et puis j’ai rencontré des amis sur les forums… Ensuite nous nous sommes rencontrés lors de conventions… ».

Les fanfictions sont analysées comme des espaces de présentation de soi, qu’il faut resituer dans les interactions et les réseaux de sociabilité qui caractérisent les usages de la « textualité numérique ». Les fiches de présentation, comme les récits, sont marquées par les interactions effectives ou potentielles avec les lecteurs du site.

C’est aussi une façon de tester et de nourrir sa connaissance de l’œuvre en proposant des hypothèses de lecture. Le respect de l’œuvre initiale est primordial ; d’où, lors de l’écriture, de fréquents allers-retours vers le livre pour vérifier des détails et rester cohérent. Les fanfictions sont de petits exercices de style qui utilisent des procédés narratifs classiques. Mais certains veulent aussi tout simplement, retrouver par tous les moyens le plaisir de se raconter une histoire. Les auteurs peuvent écrire sur une seule œuvre mais le plus souvent ils se prêtent à l’exercice sur plusieurs titres. Sébastien François affirme que un tiers des auteurs de potterfictions interrogés écrivent également sur les mangas.

Mais ce que cherchent avant tout les auteurs, c’est de pouvoir partager leur plaisir de lecture, mettre en mot leurs émotions, d’où la fréquente création.

Le formidable outil de communication qu'est Internet

Internet leur a offert les espaces nécessaires. C’est en parcourant ces lieux de pratiques des adolescents – sites, blogs, forums, etc. – que nous pouvons prendre en compte la réalité de leurs goûts. C’est là également que nous découvrons la très grande richesse et créativité de leurs formes de lecture.

Sur le site français fanfic-fr.net on peut lire 11 562 histoires, rédigées par 4 154 auteurs. 9 727 personnes sont membres, donc lecteurs réguliers. On retrouve les mêmes entrées qu’aux États-Unis, et bien souvent les mêmes titres.

Sur le site américain Fanfiction.net on peut lire plus de 452 000 récits dédiés à Harry Potter, 43 000 textes autour du Seigneur des Anneaux et plus de 142 000 histoires sur Twilight.

Il semble bien qu’on soit à l’heure d’une culture mondialisée.

Certaines fanfictions, parmi les plus célèbres dans l’univers des fans, sont traduites en plusieurs langues, notamment en français.

« Les fanfictions constituent un moyen d’expression de soi pour les jeunes, notamment parce qu’elles permettent facilement d’utiliser divers médias et de convoquer de multiples univers médiatiques dans un étrange syncrétisme » confie Hélène Sagnet.

C’est donc avant tout un plaisir d’être lu et l’interconnexion directe qui semble plaire aux auteurs de fanfiction. De plus, l’aspect pécuniaire absent limite toute volonté de tirer quelque bénéfice que ce soit : l’auteur de fanfiction écrit avant tout pour ses reviewers et lecteurs. C’est aussi un espace pouvant servir d’entraînement. Meg Cabot, auteur de Journal d’une princesse, a confessé avoir écrit lorsqu’elle était étudiante des histoires basées sur les livres Fantasy d’Anne McCaffrey.

Internet : futur vivier d’écrivains professionnels ?

Parmi ces auteurs, certains n’ont-ils pas une volonté de reconnaissance de la part des institutions éditoriales ? Un futur professionnel est-il possible ?

Certains, comme nous avons pu le voir, écrivent avant tout sur ce support pour l’interaction directe avec leurs lecteurs et la possibilité de recevoir des reviews (commentaires) que les écrivains de livre papier ne connaissent qu’une fois leur livre imprimé, lors de dédicaces. Toutefois, certaines fanfictions peuvent connaître un futur tout autre.

C’est le cas d’une fanfiction basée sur l’univers d’Harry Potter de Cassandra Clare, qui a généré un véritable fan-club très prolifique sur le net. La Trilogie de Draco était une des premières longues fanfictions à avoir tant de succès. Par la suite, Cassandra Clare s’est servie des personnages secondaires inventés pour les besoins de sa fanfiction dans un texte original qui fut publié par Simon & Schuster sous le titre de The Mortal Instruments. Elle fut donc repérée grâce à son succès.

Sarah Rees Brennan a elle aussi été repérée pour le succès de ses fanfictions et est aujourd’hui publiée elle aussi chez Simon & Schuster. Elles sont considérées comme des « Big Name Fan » (Fan de Grand Nom) et fidélisent elles aussi des fans. Cette reconnaissance peut aller plus loin : elles signent des autographes, et peuvent être les Invités d’Honneur de Conventions crées par les fandoms (sous culture propre à un ensemble de fans, c'est-à-dire tout ce qui touche au domaine de prédilection d'un groupe de personnes et qui est organisé ou créé par ces mêmes personnes) ; ou bien encore de shows commerciaux, là encore organisés par des fandoms.

Toutefois, certains détenteurs de copyright, comme la BBC dans le cas de Docteur Who, ont des processus qui permettent de soumettre spontanément des histoires pour les intégrer aux canons officiels, tandis que certains scénaristes ont parfois été recrutés dans les rangs des auteurs de fanfictions. En ce qui concerne les romans sur Docteur Who publiés chez Virgin Book, une fois que la BBC a réclamé la licence pour publier des romans, de nombreux lecteurs ont alors immédiatement catégorisé toutes les Virgin New Adventures comme étant des fanfictions non canoniques.

Nous avons aussi vu le cas de Meg Cabot qui, ayant écrit des fanfictions dans sa jeunesse, est devenue une écrivaine reconnue par la suite.

Peu de cas au final sont recensés pour des fanfictions qui seraient publiées sur papier et qui connaîtraient donc une seconde vie. Malgré tout, cet exercice littéraire a maintenant créé une communauté, et ces auteurs ont pour eux un véritable public.

Un avenir professionnel est sans doute envisageable, avec l’entraînement qu’a pu être les fanfictions et la proposition d’un manuscrit original (sans lien avec leurs héros), mais les auteurs de fanfictions le souhaitent-ils ?

Les fanfictions sont-elles pour eux une étape avant le livre papier ou bien le support et le mode des reviews constituent-ils en soi ce que recherche déjà les auteurs : la reconnaissance d’un public… ?

De nouvelles pratiques de lecture

Une nouvelle forme de texte

Nous l’avons vu précédemment, les auteurs de fanfictions s’inspirent de livres, de films, de séries pour écrire leurs textes. Cette réappropriation et cette réécriture de l’histoire originale forment un procédé textuel d’identification de l’auteur. Débutant souvent l’écriture en pleine adolescence, cela lui permet de trouver sa place dans une société virtuelle basée sur une réalité qu’il connaît et aime à faire partager.

Mais ces nouveaux auteurs ont aussi défini une nouvelle façon d’écrire et donc une nouvelle forme de texte. Car si écrire relève toujours des mêmes procédés (ajouter, supprimer, déplacer), les auteurs de fanfictions ont dû s’adapter à leur support de publication de prédilection qu’est l’Internet. Ainsi, les textes sont bien souvent publiés chapitre après chapitre, avec un rythme plus ou moins régulier. Certains ne publient qu’au gré de leur inspiration latente quand d’autres se tiennent à la publication d’un chapitre par semaine sur leur histoire en cours.

Pour la première catégorie, la lenteur de publication de certains auteurs entraîne, comme dans le monde de l’édition papier, des mécontentements et parfois même une certaine forme d’agressivité de la part des lecteurs qui oublient que, majoritairement, leurs auteurs préférés ne publient pas sur Internet pour eux, mais avant tout pour se faire plaisir et partager leur passion. Certains n’hésitent donc pas à retirer des sites leurs histoires et à quitter l’univers des sites de regroupement pour passer sur des sites personnels.

Ce changement de lieu de publication entraîne parfois des changements radicaux dans la façon d’écrire de ces auteurs qui vont alors se tourner vers la publication d’histoires originales désignées dès lors sous le nom de fiction. C’est là un nouveau pas vers le monde de l’édition papier car, bien que souvent largement inspirée de leurs univers favoris, l’effort d’invention est bien présent et relève pleinement du travail d’écrivain.

C’est notamment le cas de Myschka qui, après avoir publié pendant plusieurs années sur divers sites tel que Fanfiction.net, a finalement quitté les fandoms et s’est consacrée à l’écriture de romans. Son site personnel regroupe ses textes deux catégories (romans et fanfictions). Il semblerait donc qu’au-delà de la simple fanfiction, les récits originaux deviennent à leur tour des sources propres à la création de communauté.

Mais ces publications par chapitre, qu’elles soient régulières ou non, « fanatisées » ou non, nous renvoient en réalité à un genre littéraire qui eut son succès avec le développement de la presse au XIXe siècle : le feuilleton. Car un élément important est à prendre en compte concernant le lectorat de fanfictions : il grandit et ne va pas forcément lire les mêmes choses alors que les années passent.

Nouvelles technologies : les smartphones pour lire partout

Les nouvelles technologies permettent aujourd’hui un accès à la lecture bien plus rapide et simple qu’auparavant. L’e-book commence à prendre une place importante dans les salons et les foires consacrés aux livres, mais il reste encore onéreux et la lecture n’en est pas toujours agréable.

Depuis la sortie de l’iPhone, de nouveaux espoirs se fondent aujourd’hui sur le potentiel non négligeable des smartphones. Du téléphone portable d’Apple aux HTC de Google Android, les écrans se font plus larges et leur tactilité les rend maniables et navigables sans grande difficulté.

Une société semble déjà avoir entrevu le réel potentiel que représente ce type de téléphones. Le site Smartnovel.com propose depuis plusieurs mois une application pour iPhone permettant aux utilisateurs de télécharger, chapitre après chapitres, les histoires d’auteurs qui, intéressés par le projet, ont accepté d’y participer. Ces téléchargements ne sont pas gratuits, les conditions de rémunération des auteurs en France étant assez stricte, mais cette remise au goût du jour du format du feuilleton n’est pas sans donner des idées de futur aux auteurs de fanfictions.

« Cela fait des mois que je suis de près l’actualité des smartphones pour voir quand une application sortira pour me permettre de publier depuis mon iPhone, confie Fa. Sur ce téléphone, il y a aujourd’hui de quoi écrire mes textes quand je suis dans les transports, alors devoir attendre parfois d’être rentrée à la maison, de les copier sur mon ordinateur pour ensuite les publier, c’est une perte de temps. »

Mais la révolution pourrait venir du tout récent iPad, d’Apple toujours. Avec son écran rivalisant avec l’espace proposé par une page de livre, les possibilités d’accès à plusieurs centaines d’œuvres tombées dans le marché public (mais en anglais) et sa maniabilité, il ne serait pas étonnant de voir de nouveaux concepts d’écriture naître de ces nouvelles technologies.

Sans compter que, depuis quelques mois, cette nouvelle génération de téléphones s’est rapidement installée dans les habitudes de consommation des Français. Nous avons pu constater au cours des mois passés que beaucoup d’usagers des transports en commun utilisaient dorénavant leur téléphone mobile pour écrire de courtes notes ou des textes plus longs, mais aussi pour consulter des articles sur Internet, voire même de courtes nouvelles.

« Depuis que j’ai mon smartphone, j’ai une page Internet ouverte constamment sur un site de fanfictions français. Cela me permet de suivre l’actualité de mes auteurs préférés et de lire leurs dernières publications là où j’ai du temps à perdre : les transports en commun, » témoigne Émilie.

Les smartphones font donc émerger une nouvelle pratique de lecture de la part de ces fans de fanfictions, le plus souvent tenus au courant des publications par alertes mail ; mails qu’ils peuvent également consulter n’importe où, n’importe quand. Ce gain de temps semble être un des chevaux de bataille des lecteurs qui, même s’ils adorent lire, confient bien souvent aux auteurs leur désarroi face à leur impossibilité de toujours suivre le rythme de publication. « Cela fait des mois que je n’avais rien pu lire concernant ton histoire, par manque de temps à cause du travail et des cours, mais maintenant que j’ai mon nouveau téléphone, je me suis rattrapée et ai lu la quarantaine de chapitres que j’avais en retard en seulement quelques jours. Vive la technologie ! » a écrit Shima-chan.

Analyse d’un lectorat particulier : celui de l’auteur Alixe

Ce dernier commentaire nous amène par ailleurs à nous interroger plus avant sur le type de lecteurs qui lisent des fanfictions. Sont-ils assidus et fidèles ? Se cantonnent-ils à un domaine de fanfictions ou lisent-ils des textes se rattachant à plusieurs fandoms ? Comment en sont-ils venus à découvrir tel ou tel auteur ?

Portrait d'une auteure

Nous tenterons de répondre à ces questions en nous appuyant sur un panel assez restreint : celui des lecteurs des histoires d’Alixe, auteur référencée sur le site américain Fanfiction.net et connue sur le fandom français de Harry Potter pour ses textes de qualité. Inscrite sur ce site depuis mars 2004, Alixe a à son actif dix histoires basées sur l’univers d’Harry Potter. Sur sa page de présentation, on apprend qu’elle a une quarantaine d’années, qu'elle est mère de famille et a un goût prononcé pour les univers fantastiques et de science fiction.

Très investie dans le domaine de la fanfiction, elle n’a pas hésité à créer un mode d’emploi en français sur le fonctionnement du site Fanfiction.net sur lequel elle publie et participe à de nombreuses communautés, notamment une pour promouvoir la communication et l’échange entre les lecteurs et les auteurs, le Front d’Incitation aux Commentaires.

Femme active, elle a néanmoins trouvé le temps de publier de très nombreux chapitres : sur ses dix histoires, on compte un total de 205 chapitres. Nombre de ses histoires forment des « arcs », c’est-à-dire des sagas se basant sur les mêmes données de départ. Ainsi, on peut regrouper :

  • Ginny la furie en sixième année, Après la bataille, Mon sorcier bien-aimé et les Chroniques d’Alixe. La troisième partie met en scène un personnage inventé, William Stratford, qui sera le mentor d’Harry Potter à son arrivée dans le corps des Aurors, la police du monde sorcier. Enfin, les Chroniques regroupent des textes, d’Alixe et d’autres auteurs, sur des personnages secondaires de cette saga. Ces histoires ont été écrites avant que ne soient publiés les tomes 6 et 7 de la saga de JK Rowling et présente une toute autre version de la fin de la guerre entre Harry Potter et Lord Voldemort. ;
  • L'Autre et Le choix de Lord Voldemort : ce sont des UA qui décrivent de manières différentes ce que serait la rencontre entre deux Harry Potter, celui des livres originaux et un autre provenant d'un monde où Voldemort a été éliminé avant de tuer James et Lily Potter.
  • Une traduction d'une fanfiction en anglais : La déclaration de guerre (de Jeconais)
  • Les Survivants, Les Bâtisseurs et Les Réformateurs : en se basant sur la saga complète et les précisions livrées par la suite par JK Rowling, Alixe entreprend ici de raconter les 19 années qui s’écoulent entre la Bataille de Poudlard à la fin du tome 7 et l’épilogue de celui-ci au cours duquel nous découvrons ce que sont devenus les personnages principaux. Cette dernière saga devrait compter au final quatre grandes parties.

Sur son site personnel, Alixe explique et commente sa manière d’écrire, pourquoi elle préfère prendre de l’avance entre les chapitres écrits et ceux publiés, mais aussi comment elle met en place tout un système de statistiques pour visualiser son avancée chapitre par chapitre.

Sondage sur la composition de son lectorat

Récemment, elle a par ailleurs eu la curiosité de poser deux questions à ses lecteurs : comment sont-ils arrivés à lire ses textes et depuis combien de temps suivent-ils ses publications ?

Au vu du nombre de chargements des pages de ses chapitres, Alixe évalue le nombre de ses lecteurs à plus de 1000 sur le site de Fanfiction.net, 200 sur Encrier.org, au moins 350 sur HPFanfiction et entre 50 et 100 sur Poudlard.org. Au total, on arrive donc à près de 1600 lecteurs réguliers sur sa saga en cours.

Son sondage a obtenu 277 réponses au 01 mai 2010, réparties ainsi :

Question A : Comment m’avez-vous connue ?

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Question B : Quand avez-vous commencé à me lire ?

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Le rôle des recommandations

Avec près de 60% des votants ayant connu Alixe par les nouveautés du site, dont plus de la moitié grâce aux histoires favorites de leurs auteurs préférés, il est évident que le rôle de la communauté est important dans le monde de la fanfiction. Ainsi, si un auteur plaît, le lecteur consulte les fanfictions qu'il a apprécié et s’oriente vers de nouvelles lectures susceptibles de lui convenir. La possibilité pour chaque lecteur de marquer ses histoires de prédilection joue donc un grand rôle dans la « notoriété » des auteurs du fandom.

Alixe relève ainsi le fait que 660 usagers du site l’ont signalée dans leurs auteurs favoris et que sa fanfiction Les Survivants (saga en cours) est recommandée par 238 lecteurs quand Mon sorcier bien aimé, publiée trois ans plus tôt, en rallie 334.

On remarque également que 20% des lecteurs l’ont connue sur d’autres sites de publication. Elle explique ce chiffre assez élevé par la fermeture de nombre de ses sites depuis qu’elle a commencé à publier et un grand nombre de ses lecteurs l’ayant retrouvée sur Fanfiction.net ont continué à la suivre.

Un lectorat fidèle

Pour plus de 40% de son lectorat, cette fidélité dure depuis au moins cinq ans ! On note cependant que 22% des personnes ayant voté lisent les publications d’Alixe depuis ses débuts en 2004. Elle-même en est très surprise car pensait que le lectorat de Fanfiction.net s’était beaucoup renouvelé ces dernières années.

On observe cependant une importante baisse dans l'arrivée de nouveaux lecteurs entre 2005 et 2007, période où elle n'a pas publié de façon continue : il plusieurs mois de silence entre la publications de L’Autre, Le choix de Voldemort et La déclaration de guerre. Un rythme de parution régulier et soutenu dans la durée semble influer directement non seulement sur le passage des lecteurs connaissant déjà l'auteur mais aussi sur sa visibilité au milieu de toutes les autres publications

Conclusion

Au terme de cette petite analyse, on peut donc dégager deux conclusions sur les comportements des lecteurs de fanfictions :

  • ils sont avant tout passionnés et recherchent des histoires qui s’inscrivent dans deux extrêmes : celles qui leur permettent de poursuivre l’histoire originale avec une grande fidélité et celles qui remodèlent complètement l’œuvre originale qui, pour une raison ou une autre, les a déçus ;
  • si, pour la première catégorie de fanfictions, ils trouvent un auteur de talent, ils lui restent fidèles tant que les publications ne dévient pas trop de la trame de l’œuvre originale

Bien évidemment, une étude plus poussée auprès du lectorat d’autres auteurs de fanfiction aurait permis d’établir les habitudes de lecture d’un plus large panel de lecteurs.

Conclusion

Conclusion

Au-delà du phénomène adolescent que représentent les fanfictions, il semble que la volonté des auteurs de fanfictions ne soit pas spécifiquement de trouver un lectorat trop large qui serait touché par une publication papier. Les exigences du marché de l’édition ne leur conviennent pas, comme en témoigne Shinoya : « Le principe qui veut que "Pour faire vendre, il faut du tragique, du dramatique, il faut que quelqu'un meurt". Oui mais non. Je ne suis pas de cet avis. Pour moi tout ça est too much. Donc d'un côté ça me fait bondir, et puis d'un autre, je suis pragmatique. Je me doute des exigences (commerciales) subies par un éditeur, de même que l'idée qu'un éditeur peut se faire des attentes du "grand public". Et avec raison, sans aucun doute. Ces gens-là s'appuient quand même sur du concret pour décider. »

Le but des fanfictions est donc uniquement de faire partager au plus grand nombre de lecteurs internautes une passion pour un univers particulier et ne représente en rien une volonté d’être reconnu de manière professionnelle de la part des auteurs.

Cependant, et au vu de certains cas précédemment cités comme Cassandra Clare, il est à noter que nombre d’auteurs semblent malgré tout témoigner des qualités nécessaires à devenir « de vrais écrivains ». Les éditeurs sont-ils néanmoins prêts à chercher leurs futurs auteurs au sein de cette communauté ? Seul l’avenir nous le dira, mais il est certain que de nombreux préjugés, d’un côté comme de l’autre, devront auparavant être vaincus.

Sources

Revues

  • Agora débats/jeunesses n° 46, Technologie de l’information et de la communication : construction de soi et autonomie, Yaëlle Amsellem-Mainguy, Francine Labadie, Céline Metton, 2010.

Articles

  • Fanf(r)ictions : Tensions identitaires et relationnelles chez les auteurs de récits de fans de Sébastien François, in Réseaux n°153, janvier 2009, édition La Découverte.
  • Internet, nouvel espace de légitimation adolescente des œuvres ? L’exemple des fanfictions sur Fascination, par Hélène Sagnet, in Lecture Jeune N°129, mars 2009
  • Fanfic : is it right to write ?, on Fairfax Digital website, janvier 2005
  • The Fan Fiction Phenomena : What Faust, Hamlet and Xena the Warrior Princess have in common, par Cathy Young, on Reason.com, février 2007
  • Les fanfictions, une culture populaire qui fleurit sur Internet : Où Harry Potter débarque chez les Sims…, de J.C. Sarrot sur Generationcyb.net, novembre 2005

Autres sources